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EXPÉDITION D’AFRIQUE.

nos bateaux de débarquement. Ces bateaux étaient déjà à Palme, à notre passage devant les Baléares. Sur l’ordre de l’amiral, ils étaient allés nous attendre au cap Caxine, sur lequel nous marchions, et s’y trouvaient le jour où nous y parûmes ; mais comme ce jour-là le temps n’avait pas paru à l’amiral convenable pour le débarquement, il s’était décidé à venir attendre à Palme qu’il le devînt, et leur avait assigné ce nouveau rendez-vous. Ils s’y rendaient, lorsqu’un coup de vent les ayant dispersés, il leur avait fallu plusieurs jours pour se rallier ; tous ne l’étaient même pas encore. — La frégate égyptienne portait Taher-Pacha, grand amiral de Turquie, qui, empêché par notre croisière de pénétrer à Alger où il avait à remplir une mission de la Porte, se rendait à Toulon pour attendre les évènemens. Il n’avait d’ailleurs aucun caractère officiel auprès de notre gouvernement. — L’armée continuait à montrer les meilleures dispositions ; son état sanitaire, par suite peut-être de l’excitation morale où vivait le soldat, était plus satisfaisant qu’il n’aurait été possible de l’espérer : elle ne comptait pas quatre-vingts malades. Toutes les dépêches du ministère pressaient l’expédition au lieu de la retarder, et l’amiral se décidait à agir immédiatement, bien qu’il ne pût encore, je crois, disposer de tous ses moyens.

Le général en chef donna une dernière fois aux officiers-généraux ses instructions sur le débarquement ; elles furent discutées, convenues de nouveau, puis l’on se sépara.

Le lendemain au lever du soleil, cette fois pour tout de bon nous mîmes à la voile, et le matin du troisième jour nous étions en vue des côtes d’Afrique. Sur le rivage se montra une espèce de roche crayeuse qui, sur la verdure dont elle était entourée, se projetait en découpures singulières. À mesure que nous en approchions, elle se revêtait de formes bizarres, et peut-être allait-elle enfin nous apparaître comme une ville, car c’était Alger ; mais la laissant à notre gauche et longeant la côte, nous mîmes le cap sur Sidi-Feruch. Cette presqu’île, à l’heure qu’il est, jouit encore d’un grand renom chez les Arabes à cause du tombeau d’un marabout qu’elle renferme. Alors elle était célèbre aussi, quoique beaucoup moins, à ce second titre qu’au premier, par une batterie de pièces de gros calibre qui en défendait les approches. Dans ce moment, toutefois, c’était la batterie, non le marabout qui nous occupait. Aussi fûmes-nous tout yeux et tout oreilles au moment où nos vaisseaux têtes de colonnes la doublèrent. Mais nous n’entendîmes, malgré cela, aucune détonna-