propriété littéraire n’est pas respectée d’un petit état à l’autre, le commerce de la librairie est si borné, que la culture des lettres est une charge et une occasion de dépense, au lieu d’être comme ailleurs la source d’une honorable indépendance. Cette dispersion des talens qu’il faut rechercher de ville en ville, comme on cherche les restes des monumens romains et du moyen-âge, empêche que l’étranger, qui traverse l’Italie en courant, ne soit frappé par une vive lumière, comme celle, par exemple, qui sort de Paris ou de Londres. Mais tandis qu’en France tous les hommes supérieurs sont absorbés par la capitale, et qu’on peut visiter plusieurs grandes villes de province sans y trouver une notabilité littéraire, on est étonné de rencontrer en Italie des hommes remarquables jusque dans les plus petites villes. Aussi l’on essaierait en vain d’exposer dans son ensemble l’état des sciences et des lettres en Italie avant de l’avoir examinée en détail, et c’est de cette manière que nous allons commencer notre revue.
En entrant en Italie, du côté de la France, on trouve d’abord le Piémont, qui, selon nous, va bientôt se placer à la tête du développement moral et intellectuel de la péninsule. Quoique par son aspect, son climat et le dialecte qu’on y parle, il ressemble plutôt à la France qu’à l’Italie, cependant par ses mœurs, par une certaine gravité des habitans, et surtout par la puissance de l’aristocratie, il n’est rien moins que français. Depuis le jour où le duc Emmanuel-Philibert profita de la bataille de Saint-Quentin, qu’il venait de gagner à la tête des troupes espagnoles, pour rentrer dans les états de ses ancêtres, les princes de la maison de Savoie ont tiré habilement parti de la clef des Alpes, et par leur valeur personnelle et la discipline de leurs troupes, de même que par des alliances ménagées à propos, soit avec la France, soit avec l’Autriche, ils ont su peu-à-peu s’agrandir et devenir une puissance importante, de manière que, s’il y avait espoir de parvenir à une régénération italienne par des forces intérieures, sans passer par une autre invasion et par l’esclavage complet, c’est à notre avis du palais royal de Turin que devrait partir le signal.
Le Piémont a peu contribué au prodigieux mouvement