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DE LA LITTÉRATURE MARITIME.

merce de la Grèce, de la Syrie, de l’Égypte : et des Indes par l’Égypte.

Les croisades ! souvenir qui réveille tant d’échos de la Seine au Nil ! Admirable hors-d’œuvre qui n’est qu’un épisode pour nous ; pour l’Orient, c’est l’isthme historique qui joint Alexandre à Napoléon.

À part le sentiment religieux qui caractérise profondément ces pieuses migrations, et dont il est impossible de les priver, je crois que la comédie historique, la comédie qui instruit et qui peint, la large comédie, celle qui se jouait autrefois devant quatre-vingt mille spectateurs, monumentale et gracieuse à la fois, qui parlait de tout comme un poème, qui donnait une place aux dieux et à la religion, qui plaisait aux philosophes et aux courtisanes, cette comédie-là ressortirait merveilleusement des croisades.

Voyez seulement au commencement du treizième siècle la prise de Constantinople par les Montmorency et les Ville-Hardouin, qui replacèrent Alexis de Comnène sur le trône si solennel de l’Orient, de la même et simple façon qu’ils auraient réintégré dans son droit de suzeraineté quelque comte du Quercy ou du Gâtinois. Voyez, et dites si ce n’est pas de l’admirable comédie ! les croisés arrivant sur les quais de Venise, privés de toute ressource, vendant leurs vaisselles poinçonnées à Paris, et n’obtenant secours des Vénitiens pour continuer leur voyage, qu’à la condition de reprendre pour le compte de la république, Zara, conquise par Bela iii, roi de Hongrie. Ainsi ces pieux chrétiens pour faire face à leurs dépenses, enlèvent sans scrupule à un roi chrétien, la plus belle ville de la Dalmatie ; puis ils continuent religieusement leur voyage pour le saint sépulcre.

Et tandis que le pavillon blanc flotte sur les murs de Constantinople, l’histoire nouvelle, grecque et française, sarrasine et latine se joue au-dedans. Des empereurs d’Orient qui portent des noms incroyables, dit un chroniqueur, se brûlent réciproquement les yeux ; des marquis de Mont-Ferrat, des comtes de Flandre, devisent avec de belles Grecques, non sur la lumière de Mont-Thabor ; la belle Agnès de France, la sœur de Philippe-