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sans reconnaître que ces deux philosophies avaient fait place à deux systèmes nouveaux, dont les auteurs étaient MM. Schelling et Hegel ; de loin, soit par des correspondances, soit par des visites de voyageurs, il lui en arrivait quelque chose. En 1824, il entreprit un voyage en Allemagne, pendant lequel il fut enlevé à Dresde par la police prussienne et conduit à Berlin ; on l’avait soupçonné d’être carbonaro et révolutionnaire. Dans la capitale de la Prusse, vous le savez, monsieur, vos compatriotes environnèrent M. Cousin des témoignages du plus noble intérêt ; on s’entremit pour sa délivrance ; tant qu’il fut captif, on le visita dans sa prison, tous les jours. Par un heureux hasard, notre voyageur put utiliser sa captivité, car il entra dans un commerce journalier avec l’école de M. Hegel ; M. Gans et M. Michelet de Berlin lui développaient dans de longues conversations le système de leur maître ; ils effaçaient de son esprit le kantisme et quelques erremens de Fichte, pour y substituer les principes et les conséquences d’un réalisme éclectique, optimiste, qui se targuait de tout expliquer, de tout comprendre, et de tout accepter. M. Cousin tourna à cette philosophie avec sa promptitude ordinaire : il saisit sur-le-champ combien le changement était capital ; ce ne sera plus un philosophe opposant, révolutionnaire, inquiétant pour les puissances, mais un sage dominant tous les partis, tous les systèmes, et, par son inépuisable impartialité, pouvant donner des garanties au pouvoir le plus ombrageux. Aussi, monsieur, ses amis de Paris, qui ne pouvaient pas savoir les causes métaphysiques qui avaient influencé l’hôte de Berlin, eurent à s’étonner de quelques changemens, et un journal royaliste, le Drapeau-Blanc put écrire que M. Cousin avait bien prouvé qu’il ne professait en rien les doctrines des révolutionnaires. Je crois, monsieur, que, depuis cette époque, M. Cousin l’a bien plus prouvé encore. Cependant le séjour de notre professeur dans votre capitale devait porter ses fruits : en 1826, il publia une collection d’articles insérés dans le Journal des Savans et dans les Archives philosophiques, dont tous ne méritaient peut-être pas les honneurs d’une résurrection, et qui au surplus étaient bien inférieurs à la préface même qui les