Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 5.djvu/765

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
750
REVUE DES DEUX MONDES.

de l’histoire, de la pensée et des choses. Pouvez-vous désirer une meilleure preuve de l’avortement de l’éclectisme. Ainsi donc je crois pouvoir conclure que le lien systématique dont M. Cousin a voulu coordonner ses travaux, lui échappe, et que de son projet d’éclairer l’histoire de la philosophie par un système, et de démontrer ce système par l’histoire entière de la philosophie, il n’est pas sorti de système, mais seulement des matériaux utiles à l’érudition.

Plusieurs personnes m’ont paru convaincues que la pensée philosophique de M. Cousin n’avait plus d’avenir au-delà de l’éclectisme, mais je suis loin de partager cette opinion. Pourquoi ne recommencerait-il pas ? S’il s’est trompé dans son idéalisme incohérent et d’emprunt, s’il a échoué dans son éclectisme où il avait rêvé d’être l’émule de Proclus, s’il a balancé l’excitation salutaire qu’il avait produite dans les esprits par le scepticisme où il les a finalement jetés en octroyant une amnistie métaphysique à tous les systèmes et à tous les partis, n’a-t-il pas devant lui un avenir dont il est encore maître, le champ ouvert, un public qui se souvient de lui, et n’aurait de mémoire, en le revoyant, que pour son talent et pour ses services ? Le seul écueil dont il ait à se sauver, serait la répugnance à se détruire lui-même. Mais, grand Dieu ! qui ne s’est pas trompé ? Il serait beau de recommencer la poursuite de la vérité par l’abandon de quelques opinions, que le temps et une révolution ont convaincues d’insuffisance. Voila qui serait digne de l’ambition de M. Cousin, de la vigueur de son esprit ; qu’il reprenne position, non plus au sein d’une collection factice d’élémens littéraires, tant grecs que germains, mais au milieu même de la société française, telle que l’a tournée vers l’avenir notre dernière révolution.

Et c’est en ce sens qu’il importe de travailler à une philosophie nationale : sans doute la vérité ne change pas avec les lieux ; elle est générale et cosmopolite, elle est la même à Berlin et à Paris ; mais de peuple à peuple, on la trouve différente dans sa marche, dans sa méthode et dans ses applications. La vérité morale et sociale n’est pas un fait insensible et brut qu’il suffit de constater et de ranger dans sa case. Quand à Stockholm Ber-