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Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 5.djvu/99

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LA HORCA.

— « Pepe », répéta la jeune fille, d’une voix déchirante, s’appuyant à la rampe de l’escalier pour se soutenir et ne point tomber.

« — Mariquita, répondit tristement le jeune homme qui l’avait aperçue ; Mariquita, adieu ! »

Et en même temps il fut emmené par les alguazils que ce colloque commençait à impatienter ; et la porte qui communique à la prison se referma sur eux et sur lui. —

— Ce n’était là qu’une scène de tribunal sans doute fort ordinaire à la cour des Alcades. Les habitués n’y avaient fait nulle attention ; — moi, j’en étais tout saisi.

La jeune fille descendit lentement l’escalier. Lorsqu’elle se trouva dehors, sur la place de Santa-Cruz, je l’abordai. De grosses larmes coulaient de ses grands yeux noirs, et roulaient de ses longs cils sur ses joues. Je lui pris les mains, m’efforçant de la consoler et de la calmer un peu. La pauvre enfant vit bien que j’étais vivement touché de sa peine. On ne se méprend pas à la vraie pitié. Mettant toute confiance en moi, elle me conta, en sanglotant, que l’accusé José Guzman, que Pepe était son querido[1]. — Il avait perdu l’honneur, et sans doute il allait perdre aussi la vie ; et la faute, le crime en était à elle seule ! Bien qu’elle le sût pauvre et sans ressources depuis la perte de son cheval, par vanité, par coquetterie, elle l’avait un soir tourmenté pour qu’il lui fit cadeau d’un grand peigne à la nouvelle mode ; et son Pepe, qui l’aimait tant et ne lui savait rien refuser, avait sans doute volé les 20 réaux, afin de pouvoir acheter ce maudit peigne qu’elle lui avait si obstinément demandé, et qu’il n’avait nul autre moyen de lui procurer. —

Et la pauvre petite se remit à pleurer si fort que j’en eus le cœur brisé. Je regardais silencieusement couler ses larmes ; — je n’osais que les essuyer et les recueillir dans mon mouchoir. — Elles s’arrêtèrent enfin, — non pas que la source en fût épuisée, mais comme la pluie qui cesse souvent de tomber, bien que le ciel soit couvert encore de nuages. Je parvins néanmoins, sinon à la con-

  1. Amant.