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affectueuse, l’éducation de trois beaux enfans, furent toute sa vie, dans la solitude du château de Saint-Aignan. Un an environ après sa prison, une femme vint me demander de sa part un portrait. Elle avait attendu la fin du deuil de son mari, pour me faire reprendre ce trésor. — Elle désirait ne pas me voir. — Je donnai la précieuse boîte de maroquin violet, et je ne la revis pas. — Tout cela était très bien, très pur, très délicat. — J’ai respecté ses volontés, et je respecterai toujours son souvenir charmant, car elle n’est plus.

Jamais aucun voyage ne lui fit quitter ce portrait, m’a-t-on dit ; jamais elle ne consentit à le laisser copier : peut-être l’a-t-elle brisé en mourant ; peut-être est-il resté dans un tiroir de secrétaire du vieux château, où les petits-enfans de la belle duchesse l’auront toujours pris pour un grand-oncle : c’est la destinée des portraits. Ils ne font battre qu’un seul cœur, et, quand ce cœur ne bat plus, il faut les effacer.


CHAPITRE XXXVI.
Le ciel d’Homère.

Les dernières paroles du Docteur noir résonnaient encore dans la grande chambre de Stello, lorsque celui-ci s’écria, en levant les deux bras au-dessus de sa tête :

— Oui, cela dut se passer ainsi !

— Mes histoires, dit rudement le conteur satirique, sont, comme toutes les paroles des hommes, à moitié vraies.

— Oui, cela dut se passer ainsi, poursuivit Stello ; oui, je l’atteste par tout ce que j’ai souffert en écoutant. Comme l’on sent la ressemblance du portrait d’un inconnu ou d’un mort, je sens la ressemblance des vôtres. Oui, leurs passions et leurs intérêts les firent parler ainsi. Ainsi donc, des trois formes de pouvoir pos-