Étranges êtres que nous sommes,
Semés sur des mondes déserts,
Et qui voulons couvrir par un faible bruit d’hommes
La grande voix de Dieu qui gronde dans les airs !
Et dansez maintenant ! Et d’orgie en orgie
Cherchez à ranimer vos sens ;
À vos sales Phrynés d’une lèvre rougie
Prodiguez tout le jour des baisers flétrissans.
Ne pas s’enivrer, c’est démence !
Semons de roses le chemin ;
Sur la terre pour nous l’éternité commence…
— La belle éternité qui finira demain !
Un rêve affreux ! — Toute une année
De bals et de fleurs couronnée
Nous laisse un joyeux souvenir ;
À peine une voix, par mégarde,
Nous disait le soir : « Prenez garde !
« Il va venir. »
Nous allions, nous allions, frivoles,
Jetant aux zéphyrs nos paroles,
Passant le jour à deviser ;
Et le soir, fatigués de fêtes,
Nous laissions s’incliner nos têtes
Sous un baiser.
C’étaient des sylphides joyeuses,
S’envolant vives et rieuses,
Avec des ailes toutes d’or ;
C’étaient de folles causeries
D’amour, de bal, de Tuileries,
Jamais de mort.