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der passer perchés sur les plus hautes branches, tandis qu’il vous semble que les arbres eux-mêmes vacillent et dansent au-dessus de vos têtes, alors qu’étendus à votre aise, vous admirez la belle lune et toute la brillante armée des cieux !

Après avoir fait huit ou dix milles de cette douce façon, nous sommes entrés dans la grande et populeuse cité de Bidjie, où le capitaine Pearce et le docteur Morrison tombèrent malades lors de la dernière expédition. À un quart de mille de la ville, nous avons rencontré un homme muni d’une corne de vache. Il soufflait dedans avec vigueur, et, secondé par le trompette qui nous avait suivis depuis Soatou, il nous régala d’une symphonie qui surpassait toutes celles qui nous avaient assourdis jusqu’alors. Deux hommes, portant des ombrelles de soie de couleurs variées, suivaient le musicien de Bidjie ; et, ainsi honorés et escortés, nous fûmes déposés, au milieu d’une masse de peuple, dans le centre de la ville.

NAVIGATION SUR LE NIGER, DE BOUSSA À YAOURY.

(Jeudi, 24 Juin). Dans le courant de la matinée, nous nous sommes dirigés vers le bord de la rivière, qui n’est éloigné des habitations que de vingt à trente pas, pour aller encourager, presser les ouvriers du canot ; promesses, menaces, rien n’y a fait : on ne peut ni les amadouer ni les intimider. « Ils ne s’exténueraient pas », disaient-ils froidement, « pour toutes les richesses que nous pourrions avoir ! » Il fallut donc les laisser là et prendre patience. La branche du Niger qui coule à Kagogie peut avoir un mille de large ; mais de nombreux bancs de sable élèvent tellement le fond, que partout, à l’exception d’un seul canal étroit, un enfant passerait facilement à gué. Mungo-Park avait choisi une branche où l’eau est plus profonde, la navigation plus sûre, bien qu’elle l’ait conduit à des dangers non moins grands.

Nos chevaux ont traversé la rivière et gagné l’autre bord ; de là on les mènera par terre à Yaoury, car les canots du pays sont trop frêles pour les porter. Ces canots sont forts longs, mais façonnés de la manière la plus grossière et la plus négligée ; à défaut peut-être d’arbres de dimension suffisante, on les construit avec deux blocs de bois liés par une grosse corde ; et la suture est mastiquée dehors et dedans avec force paille, pour empêcher l’eau de pénétrer, mais tout cela est arrangé de telle sorte, qu’il n’y a pas un canot dans le pays qui ne fasse eau. Enfin, vers midi, les ouvriers avaient fini : on transporta sur-le-champ nos bagages à bord ; et nous et nos gens étions embarqués et lancés sur le fleuve entre midi et une heure. Ce bras se dirige presque de l’est à l’ouest, et nous descendîmes le courant pour gagner la branche principale, dont le lit est plus profond. Nous y arrivâmes bientôt et vîmes couler le Niger du nord au sud, traversant de riches et fertiles contrées qui semblaient s’embellir encore à mesure que nous avancions. Nous filions rapidement dans un canal qui,