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ANCIENNE LITTÉRATURE SCANDINAVE.

brillante et courte, sans déclin, sans vieillesse, laissant après elle de longs regrets, une longue renommée ; dans le nord, on y a joint de longues vengeances.

Sigurd est le centre du grand cycle épique dont je vous ai parlé au commencement de cette lecture. L’histoire de ce cycle est certainement une des pages les plus curieuses des annales de la littérature primitive. Il est rare qu’on puisse analyser aussi complètement les élémens divers, et poursuivre avec autant d’exactitude les phases d’une légende épique. Le jour que réfléchit une pareille recherche rejaillit sur toutes les recherches du même genre. Nous ferons donc, avec le plus grand détail, cette monographie, d’où l’on peut tirer des matériaux propres à compléter l’histoire de la formation de l’épopée grecque et des épopées du moyen âge et de l’orient.

Nous recomposerons d’abord la destinée héroïque de Sigurd, selon la version scandinave contenue dans l’Edda. Nous verrons le héros conquérir sur un dragon le trésor fatal auquel ses malheurs et sa mort sont attachés ; puis aller sur la montagne réveiller la jeune Valkyrie dans son palais entouré de flammes ; périr enfin, victime de la jalousie et de la passion d’une femme, par la main d’un traître ; et celle dont l’amour a demandé sa mort se tuer pour le suivre. À ce moment commencent de nouvelles aventures, et chose étrange, ici paraissent des noms historiques ; les plus grands noms de la barbarie interviennent dans cette légende islandaise. La veuve de Sigurd devient la femme d’un roi des Huns qui s’appelle Atli, et dans lequel il est impossible de méconnaître le terrible Attila. Dès-lors, les horreurs s’enchaînent aux horreurs. Pour venger ses frères mis à mort par Atli, l’implacable Gudruna l’égorge après lui avoir offert le festin d’Atrée. Enfin, la figure d’Hermanrik, de ce puissant roi des nations gothiques, dont l’empire s’étendait de la mer Noire à la mer Baltique, clôt cette série de personnages fournis à la poésie, les uns par la mythologie, les autres par l’histoire.

Mais ce n’est pas seulement en Scandinavie, dans les chants héroïques de l’Edda, que se sont conservées ces tragiques aventures. Le poème des Niebelungen, écrit en Allemagne au trei-