Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 6.djvu/540

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
534
REVUE DES DEUX MONDES.

ment moins faire, sans manquer aux lois de la plus commune hospitalité.

— Je n’ai le temps de m’arrêter ni pour manger ni pour boire, répondit l’étranger, j’ai à faire un long voyage cette nuit.

— Et dans quelle direction ? lui dis-je.

— Je vais en Andalousie, reprit-il.

— C’est exactement ma route, répondis-je. Si vous ne voulez point vous arrêter et souper avec moi, peut-être voudrez-vous bien au moins me prendre en croupe et m’emmener avec vous. Votre cheval est puissant et vigoureux, et je garantis qu’il peut porter double charge.

— C’est chose arrangée, dit le Maure.

Refuser n’eût point, en effet, été d’un soldat, ce n’eût point été poli, d’autant plus que je lui avais offert de partager mon souper. Il monta donc à cheval, et je sautai derrière lui.

— Tenez-vous bien, dit-il, mon cheval va comme le vent.

— Ne vous inquiétez point, répondis-je ; et nous partîmes.

De l’amble le cheval passa bien vite au trot, du trot au galop, et du galop à un train d’enfer. Les rochers, les arbres, les maisons, tout fuyait derrière nous avec la rapidité du vent.

— Quelle est cette ville ? criai-je bientôt.

— Ségovie, répondit-il.

Et avant que le mot fût sorti de sa bouche, les tours de Ségovie étaient déjà hors de vue. Nous gravîmes les montagnes du Guadarrama et nous descendîmes par la route de l’Escurial. Nous passâmes sous les murs de Madrid et nous franchîmes les plaines de la Manche. Nous traversions les collines et les vallées, les cités et les villages endormis, les lacs et les rivières où se réfléchissaient les étoiles.

Bref, pour abréger encore et ne point fatiguer votre excellence, le Maure dirigea soudain son cheval vers le penchant d’une montagne.

— Nous voici, dit-il alors, au terme de notre voyage.

Je regardai autour de moi, mais je ne distinguai nulle trace d’habitation, je n’aperçus que l’ouverture d’une caverne. Bientôt