Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 6.djvu/642

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
636
REVUE DES DEUX MONDES.

est arrivée, à travers une suite de vicissitudes, à un état de choses qui malheureusement est bien différent de celui-là.

À la renaissance des lettres, chaque ville lombarde put se vanter d’avoir concouru presque également à secouer le joug de la barbarie. Les petits tyrans, qui, au quatorzième siècle, se partageaient cette belle contrée, au milieu de leurs guerres continuelles, protégeaient les talens, et se disputaient la possession d’un homme supérieur, comme s’il se fût agi d’une riche province. Cependant peu-à-peu tous les petits états disparurent devant la puissance prépondérante de Milan et de Venise, qui devinrent les capitales de l’Italie en-deçà du Pô. Milan, jusqu’à la perte de son indépendance, continua à réunir un grand nombre d’hommes célèbres ; et, lorsque François Ier envahit la Lombardie, il considéra comme un des plus beaux fruits de sa victoire, la possession de Léonard de Vinci, qui demeurait alors à la cour du duc de Milan. Tombée, au seizième siècle, sous la domination espagnole, cette ville perdit peu-à-peu sa première splendeur, tandis que sa rivale, Venise, vit les sciences et les lettres prospérer chaque jour davantage en son sein. La position de cette reine de l’Adriatique et le commerce qu’elle entretenait avec l’Orient, fournirent à ses intrépides marchands l’occasion de parvenir jusqu’aux extrémités inconnues et presque fabuleuses de l’Asie. Aux voyages célèbres de la famille de Marc Paul succédèrent des explorations dans l’Atlantique ; explorations moins connues sans doute, mais presque aussi importantes. D’autre part les relations fréquentes des Vénitiens avec les Grecs, et leurs possessions dans l’Archipel, devaient les amener nécessairement de bonne heure à s’occuper de la langue d’Homère. Après la chute de Constantinople, Venise, comme d’autres villes italiennes, servit d’asile aux débris de la civilisation grecque, et la bibliothèque du cardinal Bessarion fut la première récompense de cette hospitalité. L’académie vénitienne, fondée par Alde l’ancien, fit prospérer rapidement l’étude des lettres grecques ; et ce célèbre imprimeur s’acquit des droits à la reconnaissance de la postérité, en publiant les ouvrages les plus importans de la littérature hellénique. Dans le seizième