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sourires, avec le même zèle et la même satisfaction que les belles de Londres pour l’héritier d’une pairie ; d’où je tirai l’infaillible conséquence qu’ils étaient considérés à Cincinnati comme appartenant à la plus haute classe de la société. — Il ne faudrait pas en conclure cependant qu’il n’y ait en Amérique aucune distinction de classes. Je me souviens qu’au même bal, je cherchai vainement des yeux, parmi le groupe brillant de filles charmantes qui l’embellissaient, une jeune personne plus charmante encore, et dont la rare beauté m’avait frappée quelques jours auparavant. Étonnée de ne l’y point trouver, je m’adressai à un gentilhomme : « Où est donc la belle miss C… ? » lui dis-je.

— Vous ne connaissez point encore les mystères de notre aristocratie, me répondit-il ; Miss C… appartient à une famille d’ouvriers.

— Mais, lui dis-je, cette jeune personne a été élevée dans la même pension que toutes celles que je vois ; son père a dans la ville une boutique tout aussi grande, et, si je ne me trompe, tout aussi bien achalandée que celles de ces messieurs qui nous entourent. — Où prenez-vous donc la différence !

— C’est un ouvrier : il met la main dans la fabrication des articles qu’il vend ; ces messieurs sont des marchands. »

(La suite au numéro prochain.)
th. jouffroy.