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La mort d’Édouard vi, arrivée le 6 juillet 1553, fut un coup funeste pour Cabot. La prospérité commerciale de l’Angleterre, alors à sa naissance, s’en ressentit également. La dévote Marie ne pouvait en effet encourager le favori d’un frère qu’elle avait toujours considéré comme un hérétique et un persécuteur. De son côté, Philippe ii, jaloux du commerce et des découvertes maritimes de l’Angleterre, voyait dans Cabot un homme qui avait déserté le service de son père, pour aller enrichir une nation rivale du fruit de sa vieille expérience et de ses vastes connaissances. Aussi n’est-il question de lui que plusieurs années après l’avènement de Marie, que cette princesse lui rendit sa pension, à charge de la partager, dans sa vieillesse, avec William Worthington.

On ignore le lieu et l’année de la mort de ce grand navigateur. Eden, qui fut témoin de ses derniers momens, garde le silence à cet égard ; mais il est à présumer que ce fut à Londres qu’il termina sa longue carrière. L’auteur s’indigne contre l’Angleterre de cet outrageant oubli. « Cette puissance, dit-il, a constamment et à juste titre, fondé ses prétentions, dans le Nouveau-Monde, sur les découvertes de Cabot. Sans lui, la langue anglaise ne serait peut-être point parlée actuellement en Amérique. Le commerce et la marine d’Angleterre lui sont immensément redevables. Néanmoins ses compatriotes lui contestent jusqu’à sa patrie. Des écrivains anglais ont cherché à ternir sa gloire en se faisant les échos des plus viles calomnies. Cabot a donné un continent tout entier à la Grande-Bretagne, et personne aujourd’hui ne saurait désigner le coin de terre que celle-ci lui a cédé en retour pour y reposer. »

Dans la seconde partie de son mémoire, l’auteur passe en revue les différens voyages exécutés par des navigateurs espagnols, portugais et anglais, postérieurement aux découvertes de Cabot. On y remarque aussi plusieurs documens fort importans pour l’histoire de la géographie, et entre autres, des lettres patentes accordées par les rois d’Angleterre, tant à Cabot qu’à des négocians anglais et portugais, qui n’avaient point encore été publiées. »

Ce mémoire est l’œuvre d’un investigateur consciencieux, un véritable monument dans son genre. Tous les faits, à l’aide desquels il combat les erreurs ou la mauvaise foi des écrivains, et réhabilite d’une manière si complète la mémoire de Sébastien Cabot, il les a été chercher aux sources même de l’histoire, et toutes les inductions qu’il en tire sont sans réplique. Nous aurions seulement désiré que l’auteur eût relégué dans des notes ou dans un appendice les longues et nombreuses citations dont il a surchargé son texte, et qui nuisent parfois à son argumentation. Mais, à part ce léger défaut dans l’arrangement des matières, son travail lui fait infiniment d’honneur, et lui assure des droits à la reconnaissance de tous les amis de la science géographique.