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REVUE. — CHRONIQUE.

qui fut appelé dans la suite à partager la pension dont Cabot jouissait en Angleterre. Ce dernier était-il devenu trop infirme dans ses vieux jours, pour suffire aux importantes fonctions qui lui étaient dévolues, ou Philippe ii aurait-il apposté auprès de lui cet individu, qui paraît avoir été un de ses favoris, pour s’emparer des cartes et voyages qui établissaient la priorité des droits de l’Angleterre sur le continent de l’Amérique du Nord. Les découvertes des navigateurs anglais portaient alors ombrage au gouvernement d’Espagne, qui devait naturellement convoiter des documens de l’importance des manuscrits de Cabot. Aussi est-il à présumer que ce Worthington, qui, au rapport de Hakluyt, en était dépositaire, fut l’instrument dont le monarque espagnol se servit pour en obtenir la possession.

L’auteur traite ensuite la question de la patrie de Sébastien Cabot, qui a fourni matière à tant de conjectures. Hakluyt, Purchas, Locke, Harris, Charlevoix, Pinkerton et d’autres écrivains prétendent qu’il naquit à Venise. Son biographe, toutefois, combat cette opinion, et se prévaut du témoignage d’un historien, méconnu par Hakluyt, qu’il avait devancé de cinquante ans. Eden, le fidèle ami de Cabot, et le premier écrivain anglais qui ait eu l’idée de publier les étonnans résultats de cet esprit d’entreprise maritime qu’enfanta la découverte de l’Amérique, assure (folio 255) que « Sébastien Cabot lui avait dit qu’il était né à Brystowe (Bristol) ; qu’à l’âge de quatre ans, son père l’avait conduit à Venise, d’où il était revenu en Angleterre après un certain nombre d’années, et que c’était là ce qui avait fait croire qu’il avait vu le jour à Venise. « Ainsi, dit notre auteur, s’est trouvée résolue, il y a deux cent soixante-quinze ans, la question de la patrie de Cabot ! »

L’auteur résume ensuite les découvertes que Cabot exécuta au service d’Espagne, en qualité de pilote majeur. Il décrit son expédition dans la Plata, la Parana et le Paraguay, ses projets sur le Pérou, et les divers autres voyages qu’il entreprit pour le compte de cette puissance.

Cabot, de retour en Angleterre, fut nommé grand pilote du royaume, poste qui paraît avoir été créé expressément pour lui, et obtint une pension de 166 liv. sterling. Des négocians anglais étant venus le consulter, dans un moment de grande stagnation commerciale, sur la possibilité d’entreprendre quelque expédition profitable, Cabot leur indiqua les moyens d’ouvrir un commerce direct avec le nord de la Russie. Édouard vi fut si content des instructions qu’il leur donna pour ce voyage, qu’il le gratifia d’une somme de 200 livres sterling, et la « compagnie des négocians aventuriers, » qui se forma sous ses auspices, le nomma son gouverneur à vie. Cette compagnie équipa à ses frais trois navires, dont elle confia le commandement à sir Hugh Willoughby. Cet amiral, toutefois, et les équipages de deux bâtimens de l’expédition périrent de froid sur la côte de la Laponie (janvier 1554), et il n’y eut que Chancelor, commandant du troisième, qui, suivant de point en point l’itinéraire, tracé par Cabot, aborda en sûreté à Archangel, se rendit de là par terre à Moscou, et jeta ainsi les fondemens d’un commerce fort étendu et très lucratif entre ce pays et l’Angleterre.