— De la fièvre, dis-je.
— Cela n’est pas impossible, dit-il en pinçant les lèvres, et il se leva brusquement ; il fit deux tours dans la chambre avec un pas ferme et vif, en se frottant les mains ; puis il dit : Bah ! et s’assit.
— Mettez-vous là, dit-il, citoyen, et écoutez cela. N’est-ce pas étrange ?
À chaque mot il me regardait par-dessus ses lunettes vertes.
— N’est-ce pas singulier ? qu’en pensez-vous ? Ce tyran de duc d’York qui me fait insulter dans ses papiers !
Il frappait de la main sur la gazette anglaise et ses longues colonnes.
— Voici une fausse colère, me dis-je ; mettons-nous en garde.
— Les tyrans, poursuivit-il d’une voix aigre et criarde, les tyrans ne peuvent supposer la liberté nulle part. C’est une chose humiliante pour l’humanité. Voyez cette expression répétée à chaque page. Quelle affectation !
Et il jeta devant moi la gazette.
— Voyez, continua-t-il en me montrant du doigt l’endroit indiqué ; voyez : Robespierre’s army, Robespierre’s troops ! Comme si j’avais des armées ! comme si j’étais un roi, moi ! comme si la France était Robespierre ! comme si tout venait de moi et retournait à moi ! Les troupes de Robespierre ! Quelle injustice ! quelle calomnie ! — Hein ?
Puis reprenant sa tasse de camomille et relevant ses lunettes vertes pour m’observer en dessous :
— J’espère qu’ici on ne se sert jamais de ces incroyables expressions ? Vous ne les avez jamais entendues, n’est-ce pas ? — Cela se dit-il dans la rue ? — Non ! C’est Pitt lui-même qui dicte cette opinion injurieuse pour moi ! — Qui me fait donner le nom de dictateur en France ? Les contre-révolutionnaires, les anciens Dantonistes et les Hébertistes qui restent encore à la convention. Les fripons comme L’Hermina que je dénoncerai à la tribune, des valets de Georges d’Angleterre, des conspirateurs qui veulent me faire haïr par le peuple, parce qu’ils savent la pureté de mon civisme, et que je dénonce leurs vices tous les jours ; des Verrès, des Catilina qui n’ont cessé d’attaquer le gou-