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Amérique, qui a publié un livre de poste russe, qui a apporté à Londres la première nouvelle de la prise de Hambourg par Tettenborn, et de plus un cosaque en nature, qui a montré la marche triomphale de Napoléon dans Paris, le jour de son couronnement, pour cinq schellings de prix d’entrée, qui parle en outre couramment la plupart des langues de l’Europe, et qui par conséquent n’est pas trop payé avec une demi-guinée par jour. Il est aussi fort bon à employer comme médecin, car il a recueilli beaucoup d’arcanes et de recettes dans ses voyages, il a des remèdes pour tous les maux et je ne sais combien de manières de faire le punch. Guidé par ce génie universel, j’abordai d’abord la Bourse, Royal Exchange.

En d’autres lieux, la Bourse a un aspect mercantile, mais ici elle est absolument historique. Les statues imposantes des souverains anglais rangées en cercle, et parmi lesquelles se distinguent celles d’Henri viii et d’Elizabeth, ainsi que la digne et gothique architecture, réveillent des sentimens poétiques auxquels la pensée d’un commerce aussi immense que celui dont Londres est l’entrepôt, donne une portée encore plus sérieuse. La grande cour de la Bourse est entourée d’arcades couvertes, où des inscriptions indiquent aux marchands de toutes les nations leur lieu de réunion. Au milieu de la cour s’élève une statue de Charles ii, qui a bâti le palais. Son port et son attitude indiquent parfaitement l’homme tel que le peint l’histoire : sans beauté, mais cependant pas sans grâce ; ses traits demi-sérieux annoncent une étourderie profondément enracinée et une vive ironie, fruit d’une médiocrité qui fit de ce prince un roué aussi aimable et aussi insouciant qu’un mauvais régent. Dans des niches pratiquées au second étage, sont les bustes de quelques autres dominateurs de l’Angleterre. J’ai déjà nommé Henri viii et la reine Élisabeth, qui attireraient même les regards sans les souvenirs qui s’y mêlent : Henri, gras et bien dispos, ayant l’air, pour ainsi dire, joyeusement cruel ; Elizabeth, mâle et vigoureuse, et cependant d’un air de méchanceté féminine. Les bustes sont certainement faits d’après les meilleurs originaux de Holbein. À cet étage se trouve le célèbre café Lloyd, le plus sale local de ce genre qui soit à Londres, où l’on ne dirait pas qu’on y commerce chaque jour pour des millions. Aussi y trouve-t-on plus de papier et de plumes que de rafraîchissemens.

Tout près de là est le bel et immense édifice de la banque