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petit nombre d’autres, nos peintres, nos poètes et nos prétendus chroniqueurs ne nous ont donné, jusqu’ici, qu’un moyen-âge de fantaisie, où les modes, les coutumes, les idiomes de cinq ou six siècles sont jetés pêle-mêle et entassés au hasard. En général la langue du seizième siècle, mêlée à notre moderne néologisme, défraie de vieux langage nos chroniques du temps de la reine Blanche ou du roi Jean. Quant à nos peintres, ils gratifient volontiers d’ogives toutes les cathédrales et tous les monastères, même ceux du dixième et onzième siècle. Quant au costume, on est convenu de ne remonter guère au-delà de celui de Henri ii, l’un des plus pittoresques à la vérité, et d’en revêtir indistinctement tous les personnages, fussent-ils du temps de Jeanne de Naples ou d’Abeilard. Il résulte de cette effroyable confusion d’habits, de langage et d’architecture, quelque chose qu’on peut appeler justement barbare.

En effet, qu’on nous permette d’en faire ici l’observation, la barbarie ne consiste pas tant dans le disgracieux des formes que dans leur désaccord. Tout artiste un peu au fait des lois du beau, sait parfaitement qu’une époque est plus ou moins pittoresque, selon qu’elle offre une harmonie plus ou moins parfaite entre son architecture, ses costumes, ses ameublemens et son climat. Ce qui est décidément réfractaire à l’art, c’est l’incohérence. Les lignes uniformes et la beauté massive de la terrasse de Versailles, ces jardins encadrés dans le marbre, ces murs de verdure, le dôme doré des Invalides, s’harmoniaient avec le raide et riche pourpoint, l’ample couvre-chef, et la vaste perruque de Louis xiv. L’architecture fine et svelte des palais bâtis par Philibert de Lorme, les sculptures délicates et les dentelles de marbre de Jean Goujeon répondaient au justaucorps élégant et tailladé et à la fraise à jour des derniers Valois. Enfin, le goût bizarre des maîtresses de Louis xv, passé dans les arts, grâces à Vanloo et Boucher, et adopté par l’architecture elle-même qui surchargea jusqu’aux églises de volutes, de nœuds de rubans et de guirlandes, acquit ainsi une sorte d’unité qui en affaiblit un peu le ridicule. Seulement, il faut remarquer qu’alors, au rebours de ce qui arrive dans les beaux siècles, ce fut