Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 7.djvu/192

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
188
REVUE DES DEUX MONDES.

sini et Beethowen nous ont initiés alternativement à deux sortes d’art, de philosophie, de poésie, de religion. De ces deux muses, l’une a tout l’éclat de l’Orient, l’autre le demi-jour brumeux du nord ; l’une donne plus aux sens, l’autre plus à la pensée ; toutes deux sont chrétiennes, mais l’une s’appuie sur les riants débris du paganisme, l’autre sur les sanglans autels d’Odin. Ces deux sœurs ont souvent pris la France pour champ de bataille, apparemment en qualité de terrein neutre. Du temps de Ramus, de Saint-Évremont, de Perrault, de Lamothe, de Gluck, de Diderot, de Mercier, et tout récemment encore, sous les noms oubliés de classiques et de romantiques, nous avons guerroyé pour ou contre, à peu près comme les recrues qui se battent sans trop savoir pourquoi. Mais revenons.

M. Ramée, jeune architecte, qui prélude à des travaux originaux par de solides et sérieuses études sur les monumens du moyen-âge, vient de rendre un vrai service aux artistes, en leur donnant un échantillon de cette statuaire si belle et si peu connue du treizième siècle. Sans doute un seul spécimen ne suffit pas. L’on ne peut bien sentir la beauté d’un objet d’art, si on l’isole de ce qui l’a précédé et suivi ; mais il fallait commencer, et assurément M. Ramée ne pouvait ouvrir plus heureusement une série de publications que nous désirons lui voir continuer. Nous croyons que ce jeune et habile dessinateur a eu tout-à-fait raison de préférer en cette occasion les procédés du moulage à ceux du dessin. Je sais que, depuis quelques années, le crayon de nos meilleurs artistes s’est appliqué à reproduire une foule d’églises, d’abbayes, de châteaux-forts démantelés, de couvens à demi recouverts de ronces. Ce procédé est excellent pour nous faire connaître des monumens d’une certaine étendue, qu’il faut voir dans leur ensemble avec leurs entours et leur site ; mais, pour les choses plus délicates, pour les bas-reliefs, les statues, les arabesques, pour tout ce qui est détail, le moulage est bien préférable. Le dessin, qui cherche l’effet, n’attache pas assez d’importance à certaines particularités caractéristiques. D’ailleurs, en le supposant exact, c’est une traduction ; c’est une idée transportée dans une autre