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avoir été des articles de foi. Placez-vous devant le portail latéral nord de l’église de Saint-Denis, regardez ces six figures de rois, parmi lesquelles voici Louis-le-Gros ; comparez-les entre elles et dites-moi si elles ne sont pas toutes posées, ajustées, drapées de la même façon. Comptez les plis si raides de ces tuniques, vous en trouverez partout un nombre égal ; comptez ces intersections grossières de la chevelure qui sont censées représenter les mèches, vous en trouverez un même nombre. Cependant si nous nous rapprochons tout-à-fait du treizième siècle, nous rencontrerons quelques morceaux de sculpture religieuse du style le plus élevé. Au milieu, par exemple, du grand portail de Saint-Denis, rayonne une admirable image du Christ : c’est encore bien là un type, mais un type qui est arrivé à la dernière limite du grandiose et du beau.

Une chose fort singulière, c’est que dans les sujets familiers, les bas-reliefs de l’époque hiératique ne décèlent pas la même contrainte ; et cependant ces scènes de la vie commune, faites pour attirer et enseigner la foule devant le portail des églises, sont également traditionnelles. Ces petites figures de serfs qu’on voit, au portail de Saint-Denis, soutenir, comme de monstrueuses cariatides, le poids du saint édifice avec de si horribles grimaces, sont de véritables types ; la laideur de ces figures était consacrée comme celle des masques des anciennes comédies grecques ; mais on ne s’aperçoit de leur caractère typique que quand on les a vues invariablement reproduites dans la même attitude et toujours à la même place sur les portails de presque toutes les abbayes des onzième et douzième siècles. Je ne sais pourquoi le grotesque porte presque toujours avec lui une idée de liberté.

Cependant, à mesure qu’une des branches des beaux-arts se perfectionnait, elle tendait à s’isoler du faisceau commun. Il commença à s’établir, dans le sein de la famille ecclésiastique, quelque chose qui ressemblait à notre moderne division du travail. Jusque-là toutes les communautés, tous les monastères s’étaient adonnés sans distinction à la culture de tous les arts ; vers la fin du douzième siècle, on voit de certaines confréries ne s’occu-