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UNE COURSE DE NOVILLOS.

veau combat qui allait s’engager. Je tâchai néanmoins de me préparer un peu de courage pour quelque autre catastrophe.

On avait cependant conduit ou plutôt porté dans son panier l’un de ces toreadors à une trentaine de pas du taureau, puis tous les chulos s’étaient retirés à distance, laissant l’homme et l’animal vider seuls leur querelle.

Le toreador avait la tête tournée vers son ennemi, et dans ses mains élevées en l’air, tenait deux banderillas. Le taureau de son côté, regardait d’un air étonné cet homme cuirassé d’une si bizarre façon. Ils s’observèrent ainsi quelques instans, immobiles l’un et l’autre. Puis, tout d’un coup, l’impatient novillo, commençant l’attaque, se précipita sur son adversaire ; mais celui-ci, qui se tenait prêt et ne perdait pas de vue un seul des mouvemens de l’animal, au moment où il s’avança les cornes baissées, lui piqua fortement ses banderillas dans le cou. — Ainsi qu’une tortue qui se retire et se retranche au moindre danger sous ses écailles, tête, bras et pieds, l’habile toréador s’était en même temps réfugié tout entier sous l’abri du panier que le taureau avait seulement heurté violemment et renversé. Voyant sa rage trompée et se sentant en outre blessé, le novillo, doublement excité par le besoin de la vengeance et par la douleur, revint et se précipita plus furieux sur le panier qu’il fit sauter, et retourna de toutes façons, sans néanmoins en pouvoir arracher l’adroit banderillero, qui en fut quitte pour rouler dans sa coquille tout le long de l’arène, rudement poussé jusqu’à la barrière. Là le taureau, lassé, sans doute, d’épuiser sa colère sur un objet inanimé, finit par l’abandonner et courut attaquer le second banderillero, qui ne se défendit pas avec moins de bonheur et ne fut pas non plus moins vigoureusement renversé, secoué, puis roulé dans son panier sur la poussière.

Après avoir plusieurs fois livré le même combat, avec les mêmes chances, le même courage et la même habileté, les deux banderilleros furent enfin tirés de leurs paniers, dont ils sortirent sains et saufs, d’ailleurs un peu en désordre et non sans quelques légères contusions, aux grands applaudissemens des spectateurs.