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Bien que blessé par quelques banderillas, ce premier taureau n’était pas condamné à mort. Les chulos le firent sortir de la place ainsi que les ânes, qui consentirent enfin à se relever dès qu’ils ne se trouvèrent plus en présence de leur redoutable vainqueur.


IX.

Je commençais à m’aguerrir. Je prenais goût à ce spectacle. Non-seulement je ne songeais plus à partir, mais je tremblais que la course ne se terminât bientôt. Il est vrai que j’étais près de Piedad, — tout près d’elle. — Nous nous taisions pourtant ; mais non. — Ce n’était pas là du silence. Nos cœurs se parlaient si bien par nos regards, — par nos mains qui se tenaient toujours, et qui, — je ne sais comment cela s’était fait, — du rebord de la loge étaient retombées sur nos genoux, qui se touchaient aussi.

Et puis, pendant que le drame de la place se jouait sous nos yeux, chaque fois que l’action devenait plus vive, chaque fois que l’un des acteurs était menacé, nous nous rapprochions involontairement un peu davantage ; nos mains tremblaient ensemble et se pressaient plus étroitement.


X.

Cependant une scène d’un nouveau genre se préparait dans l’arène. L’entracte ne fut pas long. Les chulos étaient venus planter un arbre coupé à une quarantaine de pas en face de la porte du toril. On vit bientôt paraître un torero, affublé d’un costume complet d’ours noir. Cet ours, des plus lestes et des plus ingambes, courut faire la révérence obligée au pied de la