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BATAILLE DE LA TABLADA.

entra sans résistance dans la ville qu’il avait si mal défendue. Son premier soin, après avoir changé les autorités, fut d’organiser la milice et de demander des renforts à la province amie du Tucuman, pensant avec raison que Quiroga ne resterait pas tranquille spectateur de la chute de son collègue.

En effet, l’impétueux gouverneur de la Rioja fit un appel à ses gauchos, et, après les avoir rassemblés, prit le titre de général en chef de l’armée des hommes libres et de défenseur de la religion. À des hommes moins ignorans ce dernier titre eût paru une amère dérision ; mais il fut pris au mot, et les scapulaires qu’il distribua à ses gens, furent reçus par eux avec enthousiasme, sans qu’ils fissent attention à la main qui les avait touchés. À leurs yeux les unitaires étaient des hérétiques ennemis de la religion, qu’ils cherchaient à détruire, en introduisant dans le pays les doctrines impies de l’Europe. Quiroga se mit en marche, et arrivé au pied de cette chaîne de montagnes, indiquée sur les cartes sous le nom de Sierra de Champanchin, la longea au lieu de la franchir, pour marcher directement sur Cordoba. La route de cette ville à San Luis passe près de l’extrémité de cette chaîne, et, en tombant par là sur Cordoba, le général fédéral évitait la rencontre des Tucumanos, qu’il savait en marche pour se joindre à l’armée unitaire. Partout, sur son passage, il forçait les habitans à se réunir à lui, et, quand il arriva sur la route de San Luis, à la fin de mai 1829, ses forces s’élevaient à quatre mille cinq cents hommes, faible armée pour nous, accoutumés à conduire des masses sur le champ de bataille, mais considérable, si l’on fait attention à la population clairsemée de l’Amérique.

Pendant que ces évènemens se passaient dans l’intérieur, les unitaires étaient étroitement resserrés dans Buenos-Ayres par Lopez et Rosas, qui bloquaient la ville avec douze mille hommes. Des bandes, qui reconnaissaient à peine leur autorité, parcouraient la campagne à quelque distance, y portant le ravage et la désolation, et, afin qu’aucun malheur ne fût épargné à cet infortuné pays, les Indiens, profitant de ces dissensions intestines, s’étaient avancés jusqu’au cœur de la république, massa-