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souvent exagérées, éclairent d’un jour bien sûr la vie et les ouvrages d’un poète. Il me semble, à moi, tout naturel qu’un homme qui doit s’élever et grandir commence simplement et sans bruit à parcourir la carrière qui retentira de son nom. Je ne prête aux débuts singuliers qu’une attention douteuse et une foi rétive.

En 1814, il entra dans la première compagnie rouge comme lieutenant de cavalerie ; plus tard il passa dans un régiment d’infanterie, et se retira en 1828, capitaine du 55me de ligne, après quatorze ans de service.

Si l’on excepte la campagne de 1823 que les bulletins fanfarons du prince généralissime ont vainement essayé de travestir en une guerre sérieuse, il n’a guère connu de la vie militaire que la monotonie et la sujétion. Élevé sous le Consulat et l’Empire, dans les idées belliqueuses qui nourrissaient alors la jeunesse, dans un temps où toutes les fortunes commençaient par une épaulette, et finissaient par un boulet ou le bâton de maréchal, quand vint la restauration avec ses quinze années de paix extérieure et de luttes intestines, son éducation, comme celle de tant d’autres, se trouva sans destination et sans avenir. Il avait rêvé dans ses lectures de collége les dangers du champ de bataille. Mais Napoléon avait laissé aux Bourbons une nation lasse de gloire et de despotisme. Toute l’activité de l’esprit français se portait vers des conquêtes plus pacifiques et plus durables, on le croyait du moins, que celles du général d’Italie.

Que faire alors ? Fallait-il abandonner l’espoir, désormais irréalisable, d’une fortune militaire, et se précipiter servilement à la curée des places, envahir à la suite de toutes les ambitions, que le flot des révolutions soulève et rejette comme une écume impure, les avenues de l’administration ? Mieux valait à coup sûr, pour un homme de recueillement et de pensée, garder la vie militaire, la vie de garnison, la vie de caserne, qui, pour un esprit laborieux et amoureux de rêverie, a le même charme, ou, si l’on veut, les mêmes ennuis studieux et fertiles que la vie monastique. Des deux côtés, c’est la même obéissance passive à des règles quotidiennes dont l’interprétation et la légitimité sont soustrai-