ont un effet par elles-mêmes, et abstraction faite de la pensée, du sentiment, de l’idée qu’elles expriment.
De même, si bien que soient rendus en prose des sentimens et des idées en eux-mêmes et de leur nature très poétiques, il est certain que des formes, que des combinaisons métriques peuvent donner à cette prose plus d’harmonie, un caractère d’art plus élevé, plus marqué ; — partant plus d’effet, et que la poésie du sentiment et de l’idée doit gagner quelque chose à cette poésie extérieure, et pour ainsi dire, matérielle de l’expression.
Le mètre est donc de l’essence de la poésie, en tant que celle-ci doit être la combinaison la plus parfaite, la plus intime possible du beau de l’idée et du beau de l’expression.
Mais encore une fois, ceci est une pure question de théorie, et la question que je me suis proposée ici est une question de fait, une question historique, relative à des monumens peu connus, et par conséquent plus embarrassante et plus douteuse. Il s’agit de savoir si les premiers, les plus anciens des poètes romanciers, ont écrit en vers ou en prose, ou indifféremment en l’une et l’autre façons. Il y a des littérateurs qui ont soutenu, d’une manière absolue, que les premiers romans épiques avaient été d’abord composés en prose, et mis en vers après coup. D’autres ont restreint cette assertion à un certain nombre de ces romans.
Si le fait était vrai, il serait extraordinaire, et, je crois, unique en son genre : les poètes romanciers auraient fait quelque chose de contraire à la marche de l’esprit humain dans la poésie. — S’il y a des époques où le mètre soit naturel, indispensable aux compositions poétiques, particulièrement à celles qui exigent ou comportent le plus de développement, comme l’épopée, ce sont indubitablement les époques anciennes de la poésie, ces époques où des poètes connaissant à peine ou ne connaissant pas du tout l’usage de l’écriture, composent pour des masses de peuple qui ne savent pas lire, où rien n’arrive de dehors à l’esprit par d’autre voie que l’oreille. Ce n’est que par le mètre, par un mode quelconque de symétrie, que les compositions de