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l’histoire de ces chefs, de leurs guerres intestines ou étrangères, ils le savaient vaguement, par des traditions populaires ; et ces traditions qu’ils recevaient déjà fort altérées, ils achevaient de les bouleverser et de les corrompre. — Ils avaient ainsi à leur disposition un certain fonds de vieilles réminiscences historiques, sur lequel leur imagination brodait en toute liberté, et qu’elle étendait en tout sens. Ils étaient dans la condition naturelle des poètes épiques, aux époques de semi-barbarie, époques qui sont, à proprement parler, celles de l’épopée, celles dont les monumens se rangent parmi les documens de l’histoire de l’humanité.

Plusieurs des plus curieux et des plus intéressans des romans carlovingiens roulant sur les exploits et les conquêtes de Charlemagne, ce sera en donner une idée, et pour ainsi dire, une revue sommaire, que de tracer une ébauche de l’histoire et du caractère de Charlemagne, tels que les donnent ces romans.

C’est toujours guerroyant et conquérant, que ces romanciers nous peignent le fils de Pépin ; et ce n’est pas en cela, qu’ils ont manqué à l’histoire : ils n’ont pas fait faire à Charlemagne plus de guerres que ce monarque n’en fit réellement : la chose n’aurait pas été facile. Mais ils ont, pour ainsi dire, renversé les motifs et les théâtres de ces guerres. — Charlemagne dirigea la plupart de ses expéditions militaires contre les peuples d’outre-Rhin.

Depuis la grande invasion des barbares, ces peuples étaient toujours en mouvement, pour se porter sur la Gaule et sur l’Italie, et prolonger de la sorte indéfiniment le désordre de la première invasion. — Charlemagne rendit à la civilisation l’immense service de fixer sur leur sol les populations germaniques. Il fit trente-deux ou trente-trois campagnes contre les Saxons : il n’eut donc pas beaucoup de loisir pour porter la guerre chez d’autres peuples. Aussi ne fit-il en personne qu’une seule expédition contre les Arabes d’Espagne, et cette expédition fut malheureuse.

Sur ce point principal, les romanciers de Charlemagne n’ont guère tenu compte de son histoire. Ils parlent à peine de ses guerres et de ses conquêtes d’outre-Rhin : je crois avoir vu le