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des idées. Des exemples sont nécessaires pour rendre sensible ce que je veux dire ; et pour en donner, je n’ai que l’embarras du choix. Je rapporterai de préférence ceux qui, à la preuve du fait particulier que je voudrais constater, joignent quelque chose de piquant pour l’histoire de l’épopée carlovingienne. Seulement, comme des citations textuelles présenteraient des obscurités, et comme il est indispensable, pour que vous puissiez bien juger de ce que je veux dire, d’entendre clairement les passages cités, je vous les rapporterai traduits aussi littéralement que possible, ou avec de simples changemens d’orthographe, partout où cela suffira.

En voici d’abord un que je tire d’un roman sur la bataille de Roncevaux, et de l’un des endroits les plus saillans. L’arrière-garde des Francs a été attaquée et détruite par les Sarrasins, au-delà des Ports, tandis que Charlemagne les avait déjà passés à la tête de l’avant-garde. Tous les guerriers ont été tués : onze des douze pairs ont péri, l’archevêque Turpin est mort couvert de blessures ; il ne reste plus que le seul Roland, mais déjà si blessé et si harassé, qu’il n’a plus que l’âme à rendre. — Il se retire, pour mourir en paix, sous un grand rocher, à l’ombre d’un pin. Ici va parler le romancier :

Quand Roland voit que la mort ainsi le presse,
Il a de son visage perdu la couleur ;
Il regarde et voit une roche,
Il lève Durandart et en a dans (la roche) frappé,
Et l’épée l’a par le milieu fendue.
Roland que la mort presse l’en tire,
Et quand il la voit entière, tout le sang lui remue,
En une pierre de grès il en frappe,
Et la pourfend jusqu’à l’herbe menue ;
Et s’il ne l’eût bien tenue (l’épée), elle aurait disparu à jamais (se serait perdue, plongée en terre).
Dieu, dit le comte, sainte Marie, à mon aide !
Ah ! Durandart, bonne épée,
Quand je vous laisse, grande douleur m’est venue.
Tant ai-je par vous vaincu de batailles !
Tant ai-je par vous assailli de terres,
Que tient maintenant Charles à la barbe chenue.