Jaime mieux mourir que si elle restait entre payens,
Et que France en eût douleur et dommage.
Vous le voyez, messieurs, cette seconde tirade n’est, à la lettre et dans toute la rigueur du terme, qu’une seconde version de la première ; elle n’en est ni un complément ni une suite, mais une simple variante.
Cela bien entendu, que pensez-vous qui vienne immédiatement, dans le manuscrit, après cette seconde tirade, forme variée de la première ? La suite commune de l’une et de l’autre, la description de la mort de Roland ? Non, messieurs, c’est une troisième tirade de dix-huit vers, troisième variante, troisième version des deux précédentes ; et c’est des trois la meilleure et la plus élégante, malgré quelques traits un peu grotesques, qui ne sont pas dans les deux autres. Je me bornerai à vous en citer les six vers les plus originaux ; et je citerai, sans y faire le moindre changement : c’est le moment où Roland voit qu’il n’a pu briser son épée ; alors
… Il la regrette et raconte sa vie (la vie, l’histoire de l’épée).
Hé ! Durandart, de grand sainté garnie,
Dedenz ton poing (ta poignée) a molt grand seigneurie,
Une dent saint Pierre et du sang saint Denis.
De vestement y a Sainte-Marie.
Il n’est pas droit payens t’aient en baillie (en pouvoir).
Enfin, à la suite de cette troisième variante des adieux de Roland à sa chère et précieuse Durandart, vient la description de sa mort ; et il y a également trois versions de cette description, dans trois tirades distinctes, dont chacune est censée correspondre à l’une des trois précédentes.
Je ne fais ici, pour le moment, que poser le fait de l’existence de ces variantes. Avant d’essayer d’expliquer ce fait, et de voir ce qu’il y a à en conclure, j’ai besoin d’en donner d’autres éclaircissemens, d’autres exemples, afin d’en mieux déterminer la portée et les limites. Ces différentes versions d’un même incident, d’un même moment donné, dans les manuscrits de