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avec ses camarades ; sa figure se creusait, et devenait bistre de noire qu’elle était auparavant ; cela se passera, disais-je en moi-même. Vous allez voir comment cela s’est passé.

Il y a quinze jours, avant le lever du soleil, Loureiro frappe à ma porte et me réveille en sursaut : — Venez vite, me dit-il, cet enragé de Cupidon a fait des siennes. — Je me lève à la hâte et suis Loureiro dans la case du nègre. Ma foi, senhor, c’était fort laid à voir. Cupidon était étendu à terre, à côté de la petite négresse morte ; un de ses bras la tenait serrée contre lui comme dans un étau de fer ; sa bouche écumait, les yeux lui sortaient de la tête ; tous ses traits étaient horriblement tirés ; un tremblement convulsif agitait ses membres, qui battaient le sol. Je vous avoue que je reculai de deux pas en voyant cela. Quand il eut deviné plutôt que vu que j’étais là, il se mit à sourire d’une façon qui me fit dresser les cheveux à la tête : « Adieu, maître, me dit-il, moi gagner femme maintenant. » Je fermai la porte pour le laisser mourir tranquille, car il n’y avait pas de remède. Le soir on les enterra tous deux. J’en ai perdu l’appétit pendant deux jours, senhor !

Maintenant, calculez : trois cents patacons la petite négresse, autant le nègre, au moins ; cela fait six cents patacons ou la valeur de plus de deux cents arrobas de café que je perds là d’un seul coup, et par ma faute encore !… Heureusement que j’ai jeté de l’eau bénite sur les gris-gris de Cupidon : sans cela, qui sait ce qui me serait arrivé ?

— Sans doute, senhor ; mais à part toutes vos pertes, ne sentez-vous pas quelque chose… là ?

— Certainement, j’en suis fâché, et je compte bien m’en confesser au premier padre qui passera ici ; mais après tout, ce n’est pas la première fois que pareille chose arrive : il n’y a pas d’année qu’on n’en voie autant dans les environs.

— Senhor, repris-je, je vous remercie de votre histoire, et de votre hospitalité. Je pars demain.

— Comme il vous plaira.


Le lendemain, j’étais à cheval au lever du soleil. — Vous me