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du génie féminin ; et l’on concevra aisément quel empire la religion exerce sur les femmes aux États-Unis, avec quelle ardeur elles s’en occupent, et jusqu’à quel degré de fanatisme cette passion exclusive peut être poussée.

Comment chez un peuple aussi actif, aussi ambitieux, aussi remuant, des ministres ambitieux et ardens manqueraient-ils à cet empire de la religion, pour ainsi dire, tout fait, et tout à-la-fois si facile à saisir et si séduisant à exercer ? Qui donc pourrait s’étonner si cet empire est ardemment recherché et disputé, si quelquefois même ceux qui l’exercent en abusent, et si entre les prêtres et les femmes, il s’établit une sympathie intime et comme une alliance secrète à laquelle l’autre moitié, la moitié politique de la société, demeure plus ou moins étrangère ? Cela doit être et cela est. Il y a, pour ainsi dire, deux républiques en Amérique, vivant et se développant côte à côte, l’une exclusivement formée par les hommes, la république politique ; l’autre presque exclusivement par les femmes et les prêtres, la république religieuse. Ces deux républiques se pénètrent sans se confondre et ont chacune leur sphère et leur vie. Aux femmes et aux prêtres la religion, aux hommes la politique ; à ceux-là le temple, où les hommes ne vont guère ; aux hommes le club, où les femmes ne vont pas. Du reste la même activité américaine, le même esprit ardent, factieux, délibérant. Et sous ce rapport, sans parler des prêtres, les femmes ne sont pas en reste. Comme leur nature sympathique les condamne toujours à l’imitation, et qu’elles n’ont malheureusement qu’un modèle, les hommes, toutes les pratiques que suivent leurs maris en politique, elles les répètent en religion : elles s’associent, elles délibèrent, elles souscrivent, elles élisent ; elles font et défont le culte et le dogme ; elles se divisent en factions, en partis, en coteries ; elles intriguent, elles cabalent, elles remuent, elles égalent leurs maris, elles les surpasseraient, s’il était possible, en mobilité démocratique. Car, qu’on ne s’y trompe pas, les deux républiques ont l’air d’offrir des différences dans leur constitution : il y a une aristocratie dans la dernière, celle des prêtres ; c’est même la seule qui existe en Amérique ; mais, au fond, le même prin-