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dans une question obscure et difficile, comme celle qui nous occupe, ne sont pas tout-à-fait sans importance, et voyons en faveur de qui, des Français ou des Provençaux, seraient ici ces raisons.

Les populations de langue provençale ayant toujours été plus directement intéressées que les Français aux guerres avec les Arabes, y ayant toujours joué un plus grand rôle, chez lequel de ces deux peuples était-il le plus naturel que les traditions relatives à ces guerres devinssent un thème de poésie ?

Les Provençaux eurent des compositions romanesques où les Arabes d’Espagne étaient mis en scène, ils célébrèrent la première expédition chrétienne contre les musulmans de Syrie, et tout cela, à des époques où l’on ne voit encore, chez les Français, rien qui puisse passer pour l’ombre ou le germe d’une littérature. — Cela étant, auxquels, des Français ou des Provençaux, y a-t-il plus de vraisemblance historique à attribuer l’invention de compositions romanesques sur la lutte des chrétiens de la Gaule avec les musulmans d’outre les Pyrénées ?

Enfin, pour abréger un peu, à l’époque à laquelle appartiennent les romans français du cycle carlovingien, les Français avaient pris des Provençaux tout le système de leur poésie lyrique ; ils en avaient tout adopté, les formes, le langage et les idées. Cela reconnu, lequel des deux partis est le plus historique, le plus rationnel, de supposer que celui de deux peuples qui avait devancé l’autre dans la carrière de la poésie, qui lui en avait donné les types lyriques, lui en donna de même les types épiques ; ou de croire que les Provençaux, originaux et maîtres dans un genre, furent, dans l’autre, copistes et imitateurs serviles ?

Les faits précédens excluent rigoureusement cette dernière hypothèse : nous avons trouvé chez les Provençaux diverses compositions romanesques antérieures aux romans du cycle carlovingien, et qu’il n’y a ni moyen, ni prétexte de prendre pour autre chose que pour un produit original, pour un développement spontané de la poésie provençale.

Il serait facile de donner plus de poids à ces raisons géné-