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REVUE DE VOYAGES.

Ces plaintes firent naître une polémique assez animée entre les journaux : la Gaceta Mercantil, feuille de l’opposition, publia à ce sujet deux articles virulens contre le gouvernement, auxquels répondit la Cronica politica y literaria[1], journal semi-officiel, et par conséquent champion du pouvoir. Je traduis le passage suivant de sa réponse : « Le crime dont on accuse M. *** attaque les prérogatives du gouvernement et les intérêts de la société. En tout temps, la falsification des billets de Banque a excité la sévérité de la justice. Nous espérons que M. *** prouvera son innocence. Mais n’y a-t-il pas quelque exagération dans le tableau épouvantable qu’il a offert au public ? devons-nous ajouter foi à toutes les accusations qu’il dirige contre le chef de la police ? En lisant les deux articles de la Gaceta Mercantil, nous nous sommes dit : Quel intérêt peut-on avoir à imposer des privations à un homme à qui on laisse la liberté de s’en plaindre ? refusera-t-on une tasse de thé à celui qui peut communiquer à un journaliste les souffrances qu’il éprouve ? etc. »

Le 27 août 1827, je quittai Buenos-Ayres pour me rendre au Brésil. Peu de jours après mon arrivée à Rio-Janeiro, le 20 septembre, je partis pour l’intérieur, et ne reparus à Rio que dans les premiers jours du mois de mars de l’année suivante. J’y retrouvai M. Douville, qui se livrait à la même industrie qu’à Buenos-Ayres, et avait élevé un magasin que tenait madame Laboissière, habillée en homme, ce qui scandalisait fort les Brésiliens tout en les attirant chez lui. À partir de ce moment, je perds de vue personnellement M. Douville, et ne voulant rien affirmer que ce dont j’ai été témoin moi-même, je tairai certains détails qui sont parvenus récemment à ma connaissance.

Quelques années s’écoulèrent. Je ne pensais plus à M. Douville, lorsqu’à mon retour à Paris, dans les premiers jours du mois de juin dernier, après une longue absence dans les colonies, le premier ouvrage qui me tomba entre les mains fut le Voyage au Congo. Le nom de l’auteur retentissait dans les journaux, qui s’empressaient à l’envi de donner des extraits du livre ; la Société de Géographie, après lui avoir décerné son prix et une

  1. Cronica politica y literaria de Buenos-Ayres, 19 de junnio de 1827.