Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 8.djvu/373

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
367
REVUE. — CHRONIQUE.

velle organisation du globe ; mais la marine et la littérature maritime que deviendront-elles, bon Dieu ? M. Amable Bellée n’y a donc point songé !

Écoutons ce qu’il nous prédit encore.

La femme, poursuit-il, ne parlera jamais, parce qu’un passé de plus de quatre mille ans dépose contre l’espérance qu’on pourrait avoir qu’elle le fît.

Ainsi donc la femme a été muette, est encore muette, et demeurera muette jusqu’à la fin des siècles. L’arrêt est prononcé, la femme est muette. Voilà qui réfute et pulvérise tant de mauvaises plaisanteries qui de temps immémorial lui attribuaient une vertu toute contraire.

Revenant à la terre, le prophète déclare que Dieu, s’en réservant comme par le passé la nue-propriété, continuera d’en accorder aux hommes l’usufruit, mais qu’il ne les établira sur ce grand domaine que comme des fermiers auxquels il le louerait. Dieu fixera lui-même annuellement et déterminera le prix du fermage et les redevances en argent ou en nature auxquelles il aura droit.

Dieu sera également propriétaire de toutes les villes et de toutes les maisons. C’est à Dieu seul que l’on devra payer son terme de trimestre en trimestre. Ces divers arrangemens sont excellens. Dans les années difficiles, Dieu, j’en suis sûr, accordera quelques remises à ses locataires, et ne fera pas d’abord saisir et vendre leurs meubles, ainsi que cela se pratique maintenant.

Mais laissons le prophète continuer :

Ce qu’on appelle commerce aujourd’hui n’aura plus lieu, dit-il.

Le commerce, bien qu’assez utile quelquefois, étant en général la source de mille fraudes et d’innombrables banqueroutes, il est sage et moral de le supprimer entièrement. Ceci doit servir d’avis à M. d’Argout. S’il tient à garder un porte-feuille, qu’il s’occupe donc dès à présent de se procurer quelqu’autre ministère que celui du commerce.

Quant à la liberté de ce qu’on nomme la presse, elle sera entière, selon M. Amable Bellée. Seulement quiconque s’avisera de publier dans un journal un fait inexact sera lapidé sur-le-champ par le peuple assemblé.

Que direz-vous de ceci, messieurs les journalistes, qui trouvez déjà trop rigoureuse la législation actuelle de la presse ? Vous regretterez assurément bientôt les six mois d’emprisonnement et les deux mille francs d’amende. Plus de saisies dorénavant, plus de poursuites contre vous ; aussitôt pris, aussitôt lapidés. Nulle autre forme de procès. Le prophète est formel là-dessus. Il va même jusqu’à retirer au souverain le droit de