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Izarn, est connu, et d’une manière dont il n’est pas hors de propos de dire un mot ici. — On peut le compter parmi les poètes provençaux : on a de lui une très-longue pièce, intitulée Las novas del Heretge, la nouvelle de l’hérétique. C’est une réfutation en forme, et par là même un exposé de l’hérésie albigeoise. La pièce est précieuse sous le point de vue historique ; mais elle attend encore, dans le manuscrit unique où elle existe, un historien qui sache en faire usage. C’est déjà une particularité assez curieuse que le point de contact que je viens d’indiquer entre cette pièce et l’histoire dont j’ai à vous parler.

La croisade contre les Albigeois commença en 1209, par le massacre de Beziers, suivi de la prise de Carcassonne et de l’usurpation violente des états du vicomte de Beziers, au profit de Simon de Montfort, devenu dès-lors le chef de toutes les croisades subséquentes contre le comte de Toulouse et les Toulousains. — C’est en 1210, au fracas de ces premiers événemens de la guerre albigeoise, que notre anonyme commence à en écrire l’histoire ; et à dater de ce moment, il la poursuit jour par jour, désastre par désastre, scandale par scandale, sous toutes les impressions, au milieu de toutes les clameurs, de toutes les misères, de toutes les stupeurs qui accompagnent ce méfait inoui de la force humaine. C’est annoncer assez que le tableau ne peut guère manquer de couleur, de caractère et de vie, et nous verrons en effet qu’il n’en manque pas.

Seulement il ne faut pas s’attendre à y trouver d’un bout à l’autre le même sentiment personnel. L’ouvrage, commencé dans l’intérêt des croisés, continue et se termine par l’expression de la plus vive et de la plus énergique sympathie pour les populations livrées aux fureurs de la croisade. Mais ceci touche au fond même de l’histoire, et c’est un point sur lequel je reviendrai séparément. Je passe tout de suite à l’examen des formes de cet ouvrage : j’en examinerai ensuite la substance, l’esprit et les caractères intrinsèques comme composition historique.

Il n’existe de cette histoire qu’un seul manuscrit, ayant autrefois appartenu au duc de La Vallière, et faisant aujourd’hui partie