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IL PIANTO.

L’ombre flottante enfin des jardins de Néron,
Le seul dont le bas peuple ait conservé le nom.
À gauche, encor des murs, mais pleins d’herbes nouvelles ;
Le temple de la Paix aux trois voûtes jumelles,
Immense, et laissant voir par un trou dans le fond
Le cloaque de Rome et son gouffre profond :
Puis Castor et Pollux dépouillés de leurs marbres,
Puis l’antique pavé se perdant sous les arbres,
Et les arbres voilant de leurs feuillages roux
Le grand arc de Sévère enfoui jusqu’aux genoux.
Enfin devant un mur à la taille débile,
L’éternel Capitole et sa pierre immobile,
La terre de Rémus, l’ancien forum romain ;
Hélas ! dans quel état ! tout meurtri par la main
Des fouilleurs inclinés sur le fer des pioches,
Un terrein sillonné de débris et de roches,
Où depuis neuf cents ans la désolation,
Devant le pied vainqueur de toute nation,
Promène insolemment sa lugubre charrue.
De grands monceaux de terre où l’enfance se rue,
Et des trous si profonds et si larges, que l’eau
Fait partout une mare en cherchant son niveau.
Comme des souvenirs, quelques frêles colonnes
Dressent de loin en loin leurs jaunâtres couronnes,
Et leurs fûts cannelés, leurs beaux fronts corinthiens
Planent sur un amas de monumens chrétiens.
Huit d’entr’elles dans l’air, ainsi que des Charites,
Légères, et semblant sur leurs bases détruites
Mener un chœur de danse et se donner la main,
Sont les restes flétris d’un beau temple romain,