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IL PIANTO.

Hurler des chants hideux et cacher ses ébats :
C’est un sol sans chemin, où l’on tombe à tout pas,
Où, parmi les grands trous, et sur les ronces vives,
Autour des monumens quelques âmes plaintives
Descendent par hasard ; et là, dans les débris,
Versent des pleurs amers et poussent de longs cris.


Ô vieille Rome, ô Goethe, ô puissances du monde !
Ainsi donc votre empire a passé comme l’onde,
Comme un sable léger qui coule dans les doigts,
Comme un souffle dans l’air, comme un écho des bois.
Adieu, vastes débris, dans votre belle tombe,
Dormez, dormez en paix, voici le jour qui tombe.
Au faîte des toits plats, au front des chapiteaux,
L’ombre pend à grands plis, comme de noirs manteaux ;
Le sol devient plus rouge et les arbres plus sombres ;
Derrière les grands arcs, à travers les décombres,
Le long des chemins creux, mes regards entraînés
Suivent des buffles noirs attachés par le nez ;
Les superbes troupeaux, à la gorge pendante,
Reviennent à pas lens de la campagne ardente,
Et les pâtres velus, bruns et la lance au poing,
Ramènent à cheval des chariots de foin ;
Puis, passe un vieux prélat, ou quelque moine sale,
Qui va battant le sol de sa triste sandale ;
Des frères en chantant portent un blanc linceul,
Un enfant demi-nu les suit et marche seul ;
Puis des femmes en rouge et de brune figure
Descendent en filant, les degrés de verdure ;