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REVUE DES DEUX MONDES.


LE PÊCHEUR.

Ô vrai cœur de poète, âme pleine d’envie,
Nature dévorante et jamais assouvie,
Ventre toujours repu, mais qui hurle toujours,
Ne peux-tu pas encor attendre quelques jours ?
Si le don d’un cœur noble et d’un visage austère
Te retire du monde et te fait solitaire,
Si tu fuis loin de nous, ô mon bon frère ! ô toi !
Prends garde de tomber au vil amour de soi,
Dans le sentier commun où marchent tous les hommes ;
Fuis la perdition de tous tant que nous sommes,
L’écueil le plus fatal sous la voûte des cieux ;
Songe que de là-haut nous regardent les dieux,
Et que s’ils ont doué quelque âme d’énergie,
C’est pour le bien commun, mais qu’au bout de la vie
Ils demanderont compte à tous de leurs travaux,
À moi de ma parole, à toi de tes pinceaux.
Faisons chœur, Salvator, et prenons patience ;
La patience rend légère la souffrance,
Et toujours un grand cœur, par le sort combattu,
S’enferme en cette cape et la prend pour vertu.

SALVATOR.

Frère, tu parles bien, mais notre sol superbe
Corrompt le pur froment et ne fait que de l’herbe,