Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 1.djvu/161

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
155
IL PIANTO.

Ce qu’on sème dessus perd bientôt sa valeur :
Aussi je n’y crois pas, et je m’en vais, pêcheur !
Adieu, Naples ; salut ! terre de la Calabre,
Écueils toujours fumans où la vague se câbre !
Ô monte Gargano, sommet échevelé,
Rocs cambrés et noircis, au poil long et mêlé,
Nature vaste et chaude, et féconde en ravages ;
Ô terre, ô bois, ô monts, ô désolés rivages !
Recevez-moi parmi vos sombres habitans,
Car je veux me mêler à leurs troupeaux errans ;
Je veux manger le pain de tout être qui pense,
Goûter la liberté sur la montagne immense.
Là, seulement encor l’homme est plein de beauté,
Car le sol qui le porte a sa virginité ;
Là, je pourrai de Pan faire ma grande idole,
Et je vivrai long-temps comme l’aigle qui vole.
Enfin là, quand la mort viendra glacer mes flancs,
Je n’aurai pas le corps cerclé de linges blancs,
Je rendrai librement ma dépouille à la terre ;
Et l’antique Cybèle, alors ma noble mère,
Dans son ventre divin m’absorbant tout entier,
Je disparaîtrai là comme un peu de fumier,
Comme un souffle perdu sous la voûte sublime,
Comme la goutte d’eau qui rentre dans l’abîme,
Sans laisser après moi, ce qui toujours vous suit,
La laideur d’un squelette et l’écho d’un vain bruit.