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IL PIANTO.

Le vent remuait l’onde, et la vague des mers
Luisait dans les canaux en mille carreaux verts ;
Les pigeons de Saint-Marc volaient sur les coupoles,
Le long des piliers blancs tremblotaient les gondoles :
Il était jour, grand jour, et lorsque Bianca
Au palais de son père inquiète arriva,
Elle se laissa là tomber comme une morte,
Un passant de bonne heure avait fermé sa porte.


Certes, s’il fut jamais un touchant souvenir,
Un souvenir d’amour qui plaise à revenir,
Comme ces airs divins qu’on veut toujours entendre,
Ah ! c’est bien cet amour mélancolique et tendre
Qui prit deux jeunes cœurs avec naïveté,
Comme aux jours de la pure et belle antiquité ;
C’est bien cet amour franc sorti de la nature,
Qui vit de confiance et jamais d’imposture,
Qui se donne sans peine et ne marchande pas
Comme le faux amour de nos tristes climats.
Bianca, ton beau nom, lorsqu’il flotte à la bouche,
D’un charme toujours neuf vous remue et vous touche,
Et comme le parfum nage autour de la fleur,
Sur Venise il épanche une amoureuse odeur.
Toujours dans les canaux où la rame vous chasse,
Comme un fantôme doux ton image repasse ;
Toujours l’on pense à toi, toujours l’on ne peut voir
Au faite d’un balcon, à l’approche du soir,
Une fille vermeille, assise et reposée,
Sans porter les regards vers une autre croisée,