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Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 1.djvu/171

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IL PIANTO.

Comme un taureau qui court à travers les campagnes,
Le fougueux Eridan, descendu des montagnes,
De sable et de limon couvre ses nobles piés ;
Puis la mer, relevant ses crins humiliés,
Ne la respecte plus, et tous les jours dérobe
Un des pans dégradés de sa superbe robe.
Elle tombe, elle meurt, la plus belle cité !
Et l’homme sans respect pour tant de pauvreté,
Le Goth, mettant la main après sa chevelure,
D’une langue barbare et d’une verge dure,
Pour le trésor des rois, outrage son beau flanc,
La meurtrit sans relâche et la bat jusqu’au sang.


Dans cet état, jugez ce que l’amour peut être !
Ah ! sans frisson au cœur on ne peut le connaître,
On ne peut le trouver dans ces lugubres lieux,
Sans gémir longuement ou détourner les yeux.
Des pauvres gondoliers les chansons et les rames
Ne servent plus ici que des amours infâmes,
Des amours calculés, sans nulle passion,
Comme il en faut aux gens de la corruption.
Aussi, lorsque le soir, un chant mélancolique,
Un beau chant alterné comme une flûte antique,
S’en vient saisir votre âme, et vous monter aux cieux,
Vous pensez que ce chant, cet air mélodieux,
Est le reflet naïf de quelque âme plaintive,
Qui, ne pouvant le jour, dans la ville craintive,
Épancher à loisir tous ses tristes ennuis,
Par la douceur de l’air, et la beauté des nuits,