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fort distincts. George n’est nullement délicat en amour, mais il est ami généreux et dévoué. Myrtil a de l’esprit, mais il est égoïste et quelque peu cruel.

Ainsi, George avait amené dans la mansarde commune une maîtresse qu’il se destinait. Cette jeune fille plaît à Myrtil, et George lui en donne la moitié ! Ils partagent la jeune fille comme la mansarde. Mais Myrtil est un garçon blasé. Il est parfois féroce dans ses galanteries.

— Si je te disséquais, dit-il, par exemple, un jour à la pauvre Florence.

Il ne la dissèque pas pourtant. Par grâce, nos héros l’envoient se prostituer dans la rue à leur bénéfice. La malheureuse meurt bientôt à ce métier.

George et Myrtil ont perdu leur maîtresse. Il leur faut maintenant à chacun une femme. Ils se marient. George, toujours généreux, donne sa femme à son ami Myrtil. Myrtil empoisonne la sienne, parce qu’il est las de la vie de ménage.

George et Myrtil sont devenus pères. Ils ont de belles et grandes filles. Myrtil avait eu d’abord presque envie de tuer la sienne, mais il se ravise, et, en libertin raffiné, il veut essayer de l’inceste avec sa Louise. Quant à George, qui n’a rien à lui, selon son habitude, il donne encore sa Georgine à Myrtil.

Enfin les deux anges devenus vieux se font mendians, ivrognes et dévots ; puis ils s’en vont crever ensemble, comme deux outres gonflées de vin, par un beau soleil de printemps, sous le chêne d’une guinguette abandonnée.

Vous vous imaginez peut-être que le roman de M. Arnould Frémy appartient encore à l’école des charniers. Oh ! vous vous trompez lourdement. Toutes les horreurs ci-dessus sont contées fort joyeusement et d’un style fleuri, gracieux et badin. L’auteur de ce livre plaisante avec une aisance parfaite et un goût exquis sur la prostitution, le meurtre et l’adultère. C’est un grand poète, un don Juan perfectionné, qui a bien voulu se moquer de nous en deux volumes in-octavo. Qu’il soit donc glorifié. Gloire à lui, puisque au dire des compères il a doté la littérature d’un nouveau genre ; puisque, s’il faut en croire les annonces, M. Arnould Frémy a créé le roman ironique.