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HOMMES D’ÉTAT DE LA FRANCE.

dans son caractère de repousser l’emploi des moyens violens, et c’est cette disposition qui l’avait fait se ranger du parti qui voulait exclure les restes de la Convention. Mais quand il eut mieux examiné les hommes auxquels il s’était associé, quand il vit que la violence était l’âme même de ces modérés prétendus, qu’ils ne parlaient que de détruire les patriotes, qu’ils ne voulaient que despotisme, que coups d’état, que détentions illégales et prolongées, il comprit tous les malheurs qui attendaient le pays, si ce parti venait au pouvoir, et dès lors il s’en sépara pour jamais. On a déjà vu qu’il commença par réfuter ses propres lettres.

Benjamin Constant vit ensuite le 13 vendémiaire, où, malgré le danger qu’avait couru la Convention, puisque Bonaparte avait été obligé de faire apporter huit cents fusils et autant de gibernes dans la salle des séances, pour former les membres de l’assemblée en corps de réserve, on fit cependant un usage modéré de la victoire. Quel contraste il trouva entre le langage de ses amis les modérés et la conduite de ces patriotes, qu’on lui avait peints, dans le salon de madame de Staël, comme des âmes si féroces ! Point d’exécutions, point de poursuites ; à peine chercha-t-on à trouver des preuves contre les meneurs ; on les laissa se promener dans les rues, et répondre la nuit contumace, aux qui vive des sentinelles, comme on dit que le fit Castellane. On retrouvait dans les salons tous les vaincus, qui ne se taisaient nullement sur leurs exploits, et raillaient fort librement les vainqueurs qui venaient s’égarer dans leurs groupes. N’oublions pas que cette journée du 13 vendémiaire ne fut autre chose que la défaite de la garde nationale, composée de modérés et de royalistes, et soulevée contre la Convention et les patriotes ; véritable contre-partie des journées de juin 1832, qui ont été marquées par un emploi si différent de la victoire !

La véritable vie politique de Benjamin Constant commença au Tribunat, où il fut appelé à siéger par Bonaparte. Aussi a-t-il toujours caressé cette époque avec tendresse. Là, il s’essaya avec éclat dans les rangs de l’opposition, d’où il ne sortit plus de sa vie. Les temps étaient bien changés depuis l’an iii et la constitution directoriale ! Le Directoire, dont les premières années, passées sous l’influence du parti modéré de la Convention, avaient été si brillantes, après avoir peu à peu cédé à tous les intrigans, à tous les