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Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 1.djvu/299

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EXCURSION DANS L’OYAPOCK.

présentations théâtrales qu’ils en font chaque année, et le trait suivant prouve que ceux de la Guyane, quoique ayant moins souffert, n’ignorent pas quel a été le sort de leurs pères. Il existe dans la colonie une croyance assez générale que, dans l’intérieur, il se trouve des mines d’or dont les Indiens connaissent le gisement, mais qu’ils ont juré entre eux, sous peine de mort, de ne jamais révéler aux colons. Lorsqu’on les interroge à ce sujet, ils gardent un mystérieux silence qui semble indiquer qu’en effet, ils en savent là-dessus plus qu’ils n’en veulent dire. Un habitant de Sinnamary m’a raconté, que pressant un jour une vieille Indienne qui est établie là depuis un demi-siècle, de lui indiquer les mines d’or que connaissent ses compatriotes, elle s’en défendit d’abord en niant qu’il y en eût dans le pays ; et comme il insistait, elle se leva subitement avec véhémence, en lui disant d’une voix altérée : « Pourquoi veux-tu savoir cela, Banaré ? pour achever de nous détruire, en nous accablant de travaux, comme vous l’avez fait ailleurs ? Si mon enfant connaissait une mine, et qu’il eût l’intention de la faire connaître aux blancs, je le tuerais de mes propres mains, avant qu’il parlât. » Si ce ne furent ses paroles, du moins tel en était le sens exact, et l’habitant cessa ses questions qui, au fond, n’avaient rien de sérieux.

À ce mélange de bonnes et de mauvaises qualités dont j’ai parlé plus haut, se joignent quelques défauts plus odieux. L’empoisonnement n’est pas rare parmi les Indiens, et cette lâche vengeance est la seule à peu près à laquelle ils aient recours quand ils ont reçu une offense. Ils sont habiles dans la connaissance des poisons, et malheureusement le pays ne leur fournit que trop de plantes vénéneuses. Ceux dont ils se servent sont en général violens, et déterminent la mort après quelques heures de vives souffrances. Il en est d’autres plus lents qui, administrés à des doses légères et réitérées, conduisent la victime à une fin certaine après un état de langueur plus ou moins prolongé. Ce crime est fréquent surtout chez les Galibis de dessous le vent, au point que c’est une des principales causes de leur dépopulation qui fait des progrès rapides. On cite à ce sujet un trait qui paraît constant. Lors de la fondation de la colonie de Mana, il y a peu d’années, un certain nombre d’Indiens Galibis se rapprochèrent des colons, et se mirent de