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tégé, et se partager ses dépouilles ? Là-dessus nos diplomates n’ont pas encore définitivement avisé.

Quant à nous, pacifiques conquérans de la citadelle d’Anvers, qui avons remis notre épée d’honneur dans le fourreau après avoir chanté nos Te Deum, nous allons danser maintenant. Le roi, revenu de son voyage, est rentré dans son château des Tuileries, corrigé et augmenté par M. Fontaine. Les revues des corps d’armée et des corps municipaux sont finies, et les bals ont déjà commencé, les bals ministériels du moins, les bals de la doctrine et du juste-milieu ; car, bien entendu, le faubourg Saint-Germain n’en donnera pas plus cette année que l’année dernière. Le noble faubourg boude décidément contre son plaisir ; il y a mieux : aux termes des nouvelles lois légitimistes, la danse, qui n’était qu’un délit avant l’arrestation de madame la duchesse de Berry, est maintenant un crime de lèse-captivité ; c’est un crime auquel on inflige pour châtiment l’envoi de l’une des cartes de visite de M. Deutz le juif. Un tribunal secret, composé de nobles dames, et de nobles seigneurs, a été institué à cet effet.

Tout cela n’a pas empêché les dévoûmens bourgeois et roturiers d’aller leur train concurremment avec les dévoûmens aristocratiques et de haut lieu. Ainsi, récemment encore, M. Marie-Louis-Antoine Hennequin, l’avocat, vient de prendre à témoin l’univers et la postérité qu’il dévouait courageusement sa tête et son bonnet à la proscription et à l’échafaud au profit de la mère de Henri v. C’est bien ! Lorsque M. Marie-Louis-Antoine Hennequin passera dans la salle des Pas-Perdus, devant la statue du défenseur de Louis xvi, il pourra se dire avec fierté : « Et moi aussi je suis un proscrit, je suis un Malesherbes ; et ce qui est plus beau, cela ne m’empêche pas de signer des consultations et de plaider mes causes. » — En vérité, la révolution de juillet a rendu le dévoûment bien agréable et bien commode ; le dévoûment ne gêne plus guère maintenant, on fait du dévoûment tout en faisant ses affaires ; le dévoûment est à la portée de toutes les fortunes et de tous les courages.

Il ne faut pas s’imaginer que nos législateurs se soient amusés seulement à danser durant cette quinzaine ; ils ont aussi fabriqué nombre de lois et de fort belles. Ils ont pensionné les vainqueurs de juillet et les vainqueurs de la Bastille ; ils ont réorganisé définitivement l’administration municipale et départementale ; puis enfin, après bien des façons, des discours et des amendemens, ils ont aboli, sans retour, l’anniversaire du 21 janvier. Désormais donc cet anniversaire, funeste et à jamais déplorable, cessera d’être déploré. Ce sont là les propres termes de la loi d’abolition. Pour produire ce chef-d’œuvre de logique politique, il n’a fallu rien moins que les lumières et l’é-