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REVUE. — CHRONIQUE.

loquence réunies du plus rhéteur de nos philosophes et du plus philosophe de nos rhéteurs.

Après un sommeil de plusieurs siècles, l’ordre des Templiers s’est avisé de renaître ces jours derniers, comme le phénix, des cendres de son bûcher. Les nouveaux Templiers ont des tuniques blanches avec des croix rouges et de grandes épées qu’ils tiennent constamment à la main, ce qui leur donne fort bon air, et ne leur serait point inutile assurément, s’il leur prenait quelque beau matin fantaisie de construire une barricade dans leur temple de la cour Damiette, et de soutenir une petite guerre contre les sergens de ville, ainsi qu’ont fait récemment les nouveaux chrétiens de Clichy dans l’église de M. l’abbé Auzou.

Pour inaugurer leur résurrection, les Templiers nouveaux nous ont, quant à présent, tout simplement donné une messe et un sermon. À l’instar de celles de M. Châtel, le primat des Gaules, la messe des nouveaux Templiers est dite en français, mais non pas le sermon, attendu que le prédicateur était M. Barginet de Grenoble, l’auteur de la Cotte rouge et d’une foule d’autres livres tout aussi correctement écrits. Or le sermon de M. Barginet de Grenoble avait déjà duré trois heures ; les chanoinesses (car les Templiers ont cru devoir s’adjoindre des chanoinesses), les chanoinesses se montraient cependant fort satisfaites, l’une d’elles même, figurante de première ligne chez madame Saqui, paraissait visiblement émue ; mais plusieurs Templiers moins sensibles, et qui apparemment avaient affaire, agitèrent tout à coup leurs épées en signe d’impatience. M. Barginet de Grenoble, comprenant ce que cela voulait dire, se disposait à conclure, lorsque le grand-maître de l’ordre, l’un des pédicures les plus éclairés de la capitale, étendant la main avec dignité et s’adressant à M. Barginet de Grenoble, lui cria de terminer. Dans le langage des Templiers, terminez signifie continuez, achevez, ne nous faites grâce de rien. Le prédicateur rassuré continua donc et termina ; mais ce fut l’affaire de deux autres heures.

Il y eut ensuite des chants de Templiers et de chanoinesses ; puis les chants ayant cessé, la séance fut levée, et ce fut ainsi que se passa cette première représentation des nouveaux Templiers, un peu plus longue, et tout à la fois un peu moins divertissante que celle de la tragédie de M. Raynouard.

Un long réquisitoire littéraire vient d’être récemment lancé contre M. Victor Hugo par M. Alexandre Duval. Dans cette éloquente philippique, M. Alexandre Duval se proclame d’abord lui-même le plus fécond des auteurs de la scène française ; puis, ayant déclaré qu’il est de son devoir, en cette qualité, de défendre le bel art dramatique ainsi que nos grands maîtres et ces illustres vieillards improprement appelés les ganaches de l’empire, il accuse M. Victor Hugo d’avoir, par des doctrines perverses et par d’indignes