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nos jours, les éléphans, les lions et les chevaux, à qui Rome impériale aurait prodigué ses battemens de mains, on trouve dans l’histoire des mœurs une explication claire et irrécusable.

Au dix-septième siècle, le génie espagnol et le génie grec habilement transformés, n’ont-ils pas avec la verve d’aventure de la minorité de Louis xiv, et plus tard, avec l’élégance et l’étiquette de Versailles, une harmonieuse sympathie ? Ne peut-on pas, des taquineries acharnées du parlement et de Monsieur le Prince, conclure Cinna, et de la prise de voile de mademoiselle de Lavallière, Phèdre et Iphigénie ?

Vainement objecterait-on les ordonnances de Louis xiv, pour détruire les sociétés infâmes formées aux portes de Paris ; la proscription, l’exil, et les bastilles témoignent hautement contre la tolérance immorale qu’on voudrait inférer de ces ordonnances : l’élève studieux de Port-Royal n’aurait pas écrit Athalie pour une cour pareille à celle d’Héliogabale ou de Néron.

La régence, qui fut une réaction violente contre l’hypocrite dévotion de la veuve Scarron, n’eut pas d’art sérieux, et gaspilla dans les petites maisons, les petits soupers et les petits vers, toutes les facultés qui, vingt ans plus tôt, auraient continué Bossuet, Racine ou Condé. À ces folles orgies il fallait des épigrammes obscènes, des quatrains équivoques, pour reculer, par l’avilissement intérieur de la pensée, les bornes de la débauche ; au réveil, des madrigaux musqués, escarmouches légères de l’entrée en campagne : cette cohue d’abbés, de courtisanes, de traitans et de spadassins, n’aurait su que faire d’un poète qui n’eût pas été leur valet et leur familier.

Les dernières années de Louis xv, plus sérieuses et plus austères, malgré le vice qui s’affichait encore, mais qui souvent s’en tenait à des fanfaronnades d’adultère, marquent dans l’histoire de l’esprit français une période nouvelle. Le règne des philosophes dans la biographie de la France représente à peu près les années de résipiscence qui succèdent dans la vie d’un jeune homme aux débordemens de sa première liberté. Quand son front se dégarnit pour la première fois, quand il aperçoit les rides qui envahissent ses joues, ses yeux qui se creusent, il se fait sage et sentencieux ; ses lèvres, hier encore si empressées à la raillerie, aux promesses éter-