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phie nationale (qui est celle de l’expérience et de l’observation), pour s’occuper d’une étude ténébreuse qui, du moins jusqu’à présent, n’a produit que des disputes interminables et si peu de résultats positifs, même chez les peuples qui s’y sont livrés avec le plus de succès.

De toutes les provinces italiennes, la Sicile est peut-être celle qui tient le moins à l’unité nationale. Quoique attachés depuis assez long-temps au royaume de Naples, ses habitans se considèrent en droit comme indépendans, et dans le langage familier, ils se servent de l’expression aller en Italie, comme on dirait aller en Espagne ou en Égypte. Il faut chercher la cause de cette séparation morale, non-seulement dans la position géographique de la Sicile, mais aussi dans les fréquentes invasions qu’elle a subies de la part de peuples qui n’eurent qu’une médiocre influence sur l’Italie proprement dite. Avant les temps historiques, cette île paraît avoir été envahie par les Ibériens. Ceux-ci en furent chassés par les Grecs, que la tradition nous montre arrivant en Italie, comme dans une terre inconnue qu’ils découvrirent, ainsi que dans les temps modernes on a découvert l’Amérique. Soumise à une espèce de théocratie par les pythagoriciens, la Sicile vit fleurir en son sein les sciences et les lettres ; mais les Romains et les Carthaginois, en la prenant pour champ de bataille, la firent promptement descendre du rang où elle s’était élevée. Dans la décadence de l’empire romain, pendant les invasions des barbares, la Sicile resta presque toujours au pouvoir des Grecs, qui, plus tard, cédèrent la place aux Arabes. Envahie ensuite par les Normands, qui la rattachèrent au système européen, elle passa successivement des Allemands aux Français, des Français aux Espagnols, et sa politique fut souvent indépendante de celle du royaume de Naples. Maintenant, quoique placée sous le régime du bon plaisir d’un vice-roi, quoique traitée comme une province conquise et manquant même des moyens matériels de communication, la Sicile a pu surmonter tous ces obstacles, neutraliser l’influence des jésuites auxquels elle est livrée, et prendre, sous le rapport scientifique, un rang distingué parmi les provinces italiennes. L’exemple des Siciliens doit prouver au reste de l’Italie que l’esprit d’association et une ferme volonté peuvent toujours surmonter les entraves mises à la pensée.