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DU VANDALISME EN FRANCE.

gues ; en Angoumois, le beau et vaste château de La Rochefoucauld, racheté par la maison de ce nom ; en Anjou, sur la rive méridionale de la Loire, la belle tour de Trèves, haute de cent pieds, construite en 1016, par Foulques d’Anjou, donnée par Charles vii au chancelier Robert-le-Maçon, en reconnaissance de ce qu’il lui avait sauvé la vie lors de la prise de Paris par les Bourguignons, et parfaitement entretenue par M. de Castellon qui en est aujourd’hui le maître.

Malheureusement ce ne sont là que de trop rares exceptions à une règle presque générale de destruction et d’abandon. S’il en est ainsi des anciens seigneurs, de ceux que tout concourt à faire regarder comme les représentans du principe conservateur, jugez des ébats que doivent prendre les nouveaux acquéreurs dans leurs antiques possessions. Pour eux, quand ils ne renversent pas tout, ils mettent tout à neuf, et vous savez ce que cela veut dire. Ils sont souvent, à cet égard, d’une bonne foi et d’une naïveté comiques. On voit à Montignac le vieux château des comtes de Périgord, détruit à la révolution, sauf le donjon carré, massif, superbe, que l’on a arrangé de la manière que vous allez voir. Je laisse parler l’Annuaire de la Dordogne de 1824 : « Ces ruines, dit l’ingénieux observateur, ont pris un aspect moins hideux depuis que le propriétaire actuel, achevant de raser à moitié hauteur partie du rempart et une des tours, s’est construit sur cet emplacement un petit hermitage, d’où l’œil découvre la ville et la vallée. Cet homme industrieux a crépi en chaux bien blanche tous les joints des pierres noirâtres du mur extérieur, et cela donne un air de jeunesse à ces murs séculaires. »

Par compensation de cette métamorphose d’un donjon en hermitage, il ne faut pas oublier que le propriétaire de l’hermitage dit d’Anne d’Autriche, au-dessus d’Agen, a métamorphosé le sien en guinguette. C’est moins pittoresque, mais plus productif : chacun son goût.

Mais on ne rit plus, on rougit et on s’indigne en songeant au monstrueux abus du droit de propriété que font certains nouveaux riches, dominés par des préjugés brutaux et par une risible terreur de l’histoire et de la religion, que l’on baptise si souvent en province des noms de carlisme et de jésuitisme. Par exemple, à Cuneault, en Anjou, toujours sur les bords de cette Loire qui baigne de ses eaux les monumens les plus nationaux de la France, il y a une église que la tradition populaire fait remonter à Dagobert, que l’on peut hardiment, je crois, dater du neuvième siècle, et que je n’hésite pas à regarder comme un des débris les plus précieux de l’art de cette époque. Les sculptures des chapiteaux des colonnes de la nef sont de l’exécution la plus naïve et la plus originale. Le clocher surtout est étonnant. À part ces beautés, il y en avait une toute particulière, ré-