nent beaucoup de la nature des conseils municipaux, qu’au clergé tout seul, il serait juste de ne point lui assigner de rang dans la hiérarchie du vandalisme destructeur. Mais en revanche il occupe, sans contredit, la première place parmi les restaurateurs ; et avec les meilleures intentions du monde, on ne restaure jamais, rien, surtout de nos jours, sans préalablement détruire beaucoup.
C’est surtout une bien funeste et bien surprenante manie que celle de tout repeindre et de tout reblanchir, dont le clergé a été possédé pendant les quinze années de la restauration, et à laquelle il est loin d’avoir renoncé. Il a l’air de s’être dit : « Voilà les mauvais jours qui vont finir ; une nouvelle ère de prospérité et d’éclat va se lever pour le catholicisme en France. Donnons en conséquence à nos églises un air de fête. Il faut les rajeunir, les pauvres vieilles ; il faut prêter à ces antiques monumens d’une antique croyance toute la fraîcheur du jeune âge ; nous en lutterons d’autant mieux avec toutes les nouvelles religions qui pullulent autour de nous. Sus donc, mettons-leur du rouge, du bleu, du vert, du blanc, surtout du blanc ; c’est ce qui coûte le moins, et puis c’est la couleur de la dynastie des Bourbons ; blanchissons donc, regrattons, peignons, fardons, donnons à tout cela l’éblouissante parure du goût moderne. Ce sera une manière comme une autre de montrer que la religion est de tous les siècles et de toutes les générations. »
Et chose à jamais déplorable, si cela ne s’est pas dit, cela s’est fait, et cela se fait encore tous les jours ; et de la sorte on est parvenu à mettre nos plus beaux monumens religieux en état de lutter en blancheur avec la Bourse, et en élégante légèreté avec les Tuileries de Louis-Philippe. Mais encore une fois, à quoi bon ces feintes et ces enjolivemens ? Ministres du Seigneur ! puisque les calamités du temps ne vous ont laissé que des temples de bois et de rude pierre, laissez voir ce bois et cette pierre, et n’allez pas rougir de cette gloire !
Le midi de la France, bien plus encore que le nord, est exposé à cette épidémie de la détrempe et du badigeon ; car tous les ans le Dauphiné, la Provence, le Languedoc, sont envahis par une nuée de peintres itinérans venus d’Italie, et qui étendent leurs déprédations jusqu’aux bords de la Garonne et de ses affluens. Ils viennent offrir leur talent au rabais dans toutes les localités, et n’épargnent pas même les plus humbles paroisses de campagne. Il est bien rare qu’un curé résiste à la tentation de remettre à neuf pour une somme minime son église, et de signaler ainsi son administration. Il y cède ordinairement malgré l’opposition fréquente des paysans, chez qui j’ai trouvé souvent la répugnance la plus louable pour ces rajeunissemens.