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Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 1.djvu/554

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qui me paraît très croyable, c’est le renouvellement, qui s’explique à merveille par l’étude d’un nouveau maître. Il y a vingt-deux mois, les badauds comparaient les deux cardinaux à des Flamands ! Ils ont été jusqu’à dire que le Protecteur était un Holbein ! À la bonne heure ! Jeanne Gray sera peut-être de l’école anglaise !

S’il est vrai, comme on le dit, que M. Eugène Delacroix n’expose rien cette année, c’est un malheur très sérieux. Son récent voyage à Méquinez a dû multiplier dans ses cartons les motifs, les épisodes, les variétés de costume, de paysage. Espérons au moins que nous aurons sa bataille de Nancy.

On parle beaucoup d’un épisode de la Saint-Barthélemy par M. Robert Fleury. La critique devra étudier avec soin cette composition. L’auteur avait envoyé au dernier salon plusieurs portraits remarquables.

Il est très probable que M. E. Champmartin conservera cette année la supériorité, unanimement reconnue, qu’il avait conquise il y a deux ans. À moins qu’un nouveau talent ne se révèle tout à coup, il sera le seul encore qui sache composer avec une seule figure un véritable tableau. Seul, entre tous les peintres qui s’occupent du portrait, il paraît avoir compris que les grands maîtres, tels que Titien, Léonard, Rubens, Vandyck, Velasquez, Joshua Reynolds et Thomas Lawrence, ont dû la meilleure partie de leurs succès et de leur gloire à l’étude de l’invention ; il semble convaincu que la fantaisie ne peut demeurer étrangère à la reproduction la plus réelle et la plus vraie d’un type donné. Il ne s’abstient pas d’interpréter la nature qu’il a sous les yeux ; et, en cela, il fait preuve d’une haute raison et d’une profonde intelligence de son art. Si dans l’analyse de certains détails nous le trouvons au-dessous des facultés qu’il a précédemment manifestées, nous le dirons franchement. La sévérité n’est pas seulement un devoir pour nous, c’est un honneur dont il est digne, et que nous ne voulons pas lui refuser.

Tous ceux qui ont vu le portrait de M. Bertin l’aîné, par M. Ingres, et nous sommes du nombre, regrettent que l’illustre auteur de l’apothéose d’Homère ait fait dans ce genre de si rares essais. Ce chef-d’œuvre de conscience et de vérité sera pour nous la seule occasion peut-être d’appeler sur un talent chaste et recueilli la popularité qui lui a manqué jusqu’ici. Nous ne savons pas encore si nous